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Société

Éducation et enseignement de base : Et si l’on commençait par réformer le cycle primaire ?

  • 24 octobre 17:50
  • 9 min de lecture
Éducation et enseignement de base : Et si l’on commençait par réformer le cycle primaire ?

La Presse — N’est-il pas temps de retrousser les manches et de construire les piliers d’un nouveau système d’enseignement ? Depuis la réforme de 1991, tant décriée d’ailleurs pour avoir été à l’origine de faux pas éducatifs et d’une dégringolade sans précédent tant au niveau de l’acquisition du savoir qu’à celui du mérite de l’élève, les intervenants du secteur, y compris la population cible que sont les élèves et leurs parents, sont quasi unanimes sur l’impératif et l’urgence de réformer le secteur.

Une consultation nationale a été effectuée en 2023/ 2024 à laquelle ont participé plus de 580 mille citoyens. Les résultats de la consultation ont été remis au Conseil supérieur de l’éducation et de l’enseignement pour cerner les priorités du secteur et les grandes lignes d’une réforme tant attendue et telle qu’elle est escomptée par la société. 

De nos jours encore, l’instauration d’une stratégie nationale fondée sur les résultats de ladite consultation tarde à venir ; les actions salutaires y référents aussi ! Pourtant, bien que le travail stratégique doive, nécessairement, emboiter le pas à toute mesure, des actions profitables pourraient être menées dans l’immédiat. Ridha Zahrouni, président de l’Association tunisienne des parents et des élèves (Atupe), voit la réforme de l’éducation et de l’enseignement à travers deux axes de travail bien définis : un axe stratégique et un axe de «l’ici-maintenant». 

L’impératif d’une vision prospective

En effet, le volet stratégique doit décortiquer tout ce qui a attrait à l’éducation, à l’enseignement, à la formation. «Si nous continuons à concrétiser le principe de l’éducation pour l’éducation, nous irons tout droit vers la catastrophe ! La réforme du secteur doit être le fruit d’une vision prospective, via laquelle nous saurons où aller et quelle sera l’efficience de l’école sur l’avenir des élèves et sur le marché de l’emploi.

Nous devons nous poser la question : quels emplois prévoit-on pour ces enfants ? Il s’agit d’un travail préalable nécessaire à toute action. Aussi, la réforme — qui est une affaire nationale—, doit être multi-intervenants et multi-spécialités», explique–t-il à La Presse. Autre condition élémentaire à respecter dans la réforme: la séparation des phases de l’enseignement. C’est que chaque phase de l’enseignement obéit à des critères, des exigences, des outils pédagogiques et à une évaluation qui lui sont spécifiques. 

La phase primaire : renforcer la maîtrise des acquis de base

Cela dit, dans l’attente d’une vision stratégique complète et adaptée à chaque phase de l’enseignement, des actions édifiantes peuvent être menées sans pour autant enfreindre la future réforme ; des actions qu’il est possible d’accomplir dans l’immédiat. «Il faut dire que beaucoup est à faire dans l’immédiat ! Nous pouvons, en effet, commencer par réformer la phase primaire qui demeure, sans aucun doute, la base de toutes les autres phases.

C’est que la phase de l’enseignement primaire n’est point compliquée à réformer. Il suffit d’amener les élèves à l’amélioration de l’apprentissage et des acquis basiques que sont l’écriture, la lecture et le calcul et ce, dans les deux langues de base, à savoir l’arabe et le français», suggère M. Zahrouni. Et en évoquant la langue française, il ne manque pas de clarifier le litige qui porte sur la primauté des deux langues étrangères, à savoir le français et l’anglais. 

«Si nous remplaçons le français par l’anglais, indique-t-il, il faudrait par la suite changer tout le circuit des autres phases, vu que les matières de base, notamment les mathématiques, les sciences naturelles, la physique et la chimie, sont enseignées en français». Et afin de renforcer au mieux le niveau des élèves inscrits à l’école primaire en écriture, en lecture et en calcul, sans oublier l’inculcation du principe du respect, il convient d’alléger les programmes scolaires afin d’acquérir ces connaissances de base.

«Avouons que l’une des principales causes du décrochage scolaire revient à la non-maîtrise de la langue française. D’ailleurs, 5% des matheux échouent non pas à cause de leur absence de mérite mais plutôt de leur faible niveau en langue française», renchérit-il.

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Place à 39 semaines de cours !

Autre action qui, selon le président de l’Atupe, pouvait, voire devrait, être entamée dès la prochaine année: le démarrage précoce de la rentrée scolaire, soit dès le 1er septembre. Une telle mesure sera de grande utilité tant pour les élèves que pour le cadre enseignant ; une utilité qu’estime Zahrouni à 10% de plus du potentiel des élèves et des enseignants.

«Si nous optons pour trente-neuf semaines de cours au lieu de seulement trente-trois, nous franchirons un pas considérable en matière de gestion du temps scolaire. Ce dernier joue au détriment du bien-être de l’élève qui doit agencer sa journée entre le temps scolaire, les cours particuliers et la révision à la maison. Mis sous pression, il endure ainsi une réduction de sa capacité d’assimilation et de sa capacité physique. Et l’on s’interroge encore sur les causes de la violence en milieu scolaire, alors que tout pousse l’élève à être hostile», explique-t-il. 

Mettre fin aux heures creuses !

L’aménagement de l’emploi du temps scolaire devrait inclure, forcément, l’évitement des heures creuses. «Là aussi, il s’agit d’une action possible et qui ne nécessite pas de stratégies», fait remarquer Zahrouni. L’évitement des heures creuses permettra de dégager un temps social, qui pourrait être exploitée par l’élève dans des activités culturelles, sportives et ludiques.

Il servira aussi de moyen de lutte contre l’insécurité dans les parages des établissements scolaires. «L’élève va à l’école pour assister aux cours. Une fois les cours terminés, il rentre chez lui. Cela doit être aussi simple et catégorique que cela», renchérit-il. 

Pour que l’examen de la 6e soit obligatoire et décisif 

Par ailleurs, et toujours dans cette optique de sauver le secteur de l’enseignement de base en entamant des actions réalisables et urgentes, le représentant de la société civile engagée dans l’éducation appelle à la réinstauration de l’examen de la sixième année de base. Selon l’avis de Zahrouni, la conversion de cet examen de passage de la sixième année à la première année du collège en un passage quasi systématique a été établi pour remédier au décrochage scolaire qui frôlait les 80% à la fin de la phase primaire. 

Or, faire de l’examen de la sixième année un concours national facultatif, dont la principale utilité consiste à la sélection des érudits digne des collèges pilotes, n’a fait qu’enfoncer le clou ! Le passage automatique de la sixième à la septième année de l’enseignement de base a, malheureusement, instauré le principe du redoublement interdit et ce, quel que soit le niveau de l’élève. 

Selon Zahrouni, «réinstaurer le passage obligatoire de l’examen de la sixième année poussera  tous les élèves à faire de leur mieux pour avoir le mérite qui les qualifierait pour la prochaine phase de l’enseignement de base. D’ailleurs, il est grand temps de réintroduire la notion du mérite auprès des élèves de l’enseignement primaire et mettre en place les moyens nécessaires pour lutter contre le décrochage scolaire, contre les cours particuliers mais aussi contre la disparité sociale et régionale en matière de qualité de l’enseignement.

Il faut que l’école publique ait les moyens de garantir un enseignement de qualité. En outre, il convient de réviser la cartographie infrastructurelle et des ressources humaines pour éviter l’encombrement et le vide des établissements scolaires».  

Les lettres de l’alphabet en guise de notes

Le président de l’Atupe recommande aussi la révision du système de notation dans les écoles. «Octroyer des notes en guise d’évaluation du niveau et du mérite d’un élève inscrit à l’enseignement de base, notamment à l’enseignement primaire, ne fait que susciter, chez lui, un sentiment de pression et d’angoisse. Dans les pays où le système d’enseignement est développé, l’évaluation se fait par l’alphabet», rappelle-t-il. 

Autant d’actions réformistes qui devraient être mises en œuvre pour démarrer une réforme urgente et qui, aux yeux des parents, des élèves et des enseignants, doit, inéluctablement, sauver les générations futures et établir les fondements  d’un système que l’on veut performant car adapté aux exigences du savoir, d’une part, des normes internationales en la matière, d’autre part, mais aussi – voire surtout- répondant aux besoins naissants du marché de l’emploi.

Le futur système de l’enseignement de base doit, avant toute chose, prendre en considération l’intérêt suprême de l’élève. Ce dernier a droit, rappelons-le, à un enseignement de qualité et à être initié non seulement à l’apprentissage mais aussi à la vie ! 

Auteur

La Presse

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