Faten Fellah, fondatrice du magazine « Sens » à la Presse : « L’accompagnement des artistes est primordial »
									
Faire paraitre un magazine en format papier en 2025 est un pari risqué, amplement mené par sa fondatrice Faten Fellah. « Sens », tel est son titre, est une revue bilingue, en arabe et en anglais consacrée à la scène artistique et visuelle, en Tunisie, en Afrique du Nord et dans le monde arabe. Une scène sans cesse en ébullition. Biannuelle, épaisse, et conçue en papier « écoresponsable », ce premier numéro a vu surgir des plumes nouvelles, des critiques et des journalistes connus. La volonté de fer de sa fondatrice et de ses contributeurs a donné naissance à ce support, qui a tous les atouts pour devenir une référence durable. Faten Fellah, sa jeune fondatrice, nous dévoile les dessous d’une aventure. 
Vous avez un parcours éclectique, qui n’a pas forcément de lien direct avec les arts et encore moins avec le journalisme culturel, pourtant vous avez réussi à faire paraitre «Sens», consacré à l’art contemporain et à diverses disciplines. Quel est le point déclencheur qui vous a permis de mener à bout ce projet rédactionnel prometteur ?
Le projet a été pensé en 2021. En 2022, je commençais concrètement à tâtonner, et à donner vie à ce magazine. 
Tout a commencé quand je me suis retrouvée spontanément entourée d’artistes issus de différentes disciplines, spécialement ces artistes de graffitis, adeptes des fresques murales extraordinaires, esquissées dans les rues.
 J’observais, discutais, échangeais avec elles et eux, je prenais des notes et en ligne je publiais les informations les concernant, en ajoutant des photos attractives. 
J’aimais beaucoup faire cela, et au fur à mesure, grâce à la magie du digital, indirectement, je m’étais retrouvée à les valoriser, à les mettre en lumière, sur les réseaux sociaux principalement. Ce que je faisais leur procurait du bonheur, de la satisfaction. 
Des images, en passant par le texte, et en faisant appel au design, le travail a finalement pris vie et m’assurait une reconnaissance infinie. 
Je me suis rendue compte qu’on n’avait finalement pas de support, ni de magazine qui traite du monde artistique dans le Sud, tellement vaste et riche. Un manquement à la rédaction qui m’a finalement poussée à m’y mettre durablement et sérieusement. 
L’idée s’est donc imposée via un concours de circonstances. Comment la concrétisation a-t-elle sérieusement commencé ?
Je m’étais directement lancée à la recherche de programmes d’incubation, d’appels à candidature dans des formations, lancés par des fondations qui œuvrent pour la pérennité des projets naissants, impactants, tous domaines confondus. Mon projet était le seul à vocation artistique. 
Difficilement, j’ai dû batailler pour l’expliquer, le présenter, insister sur la nécessité d’accompagner les artistes. 
Je m’étais focalisée sur la faisabilité des études de marché, le financement et grâce à des structures qui m’ont formée, «Verd’art / Sens» a vu le jour, en dépit des réticences de quelques incubateurs et spécialistes, qui ne se disaient pas spécialistes dans des projets à vocation artistique, et incapables de garantir la réussite du projet. 
Je l’ai défendu, en commençant par le rendre visible en ligne, avant la version papier qui a vu le jour bien après. L’accompagnement accompli auprès des artistes a commencé bénévolement en faisant des portfolios, de la curation, du management, à trouver des espaces où travailler… etc. 
Je tenais à les accompagner, avant toute chose. Je faisais au début de l’intermédiaire, ce qui a abouti à la parution de «Sens». 
Des artistes en herbe ont même réussi à vendre leur premier tableau dans le cadre d’une exposition. Je les prends sous mon aile, et je les soutiens et ça a rapporté ses fruits.   
Quand vous avez approché les artistes, au départ, vous faisiez tout sauf du journalisme. Pourtant, 4 années après, un magazine est né, et actuellemen, il est en vente dans tous les kiosques. Vous auriez pu suivre une autre voie.
L’effet du digital. On était très visibles. Il y a eu beaucoup d’interactions, de l’intérêt exprimé, une communauté commençait à prendre forme, un audimat, ou lectorat, était très présent, visible : la base était là, palpable en ligne, pour permettre à un magazine en papier de voir le jour. 
Des professionnels offraient leur collaboration spontanément. Celle de la photographe et documentariste algérienne, Wafaa Soltane, était mémorable, utile. Ensemble, nous avons travaillé sur un sujet pertinent autour du «football dans les terrains vagues ». 
Une mission qui a duré 2 semaines ! Elle faisait des prises et nous écrivions. A ce stade-là, on avait réussi à faire publier un livre photo avec une exposition. Mon premier test dans le monde de l’Editing a été effectué avec succès suite à cette rencontre. 
Je fais appel à des collaborateurs momentanés, un traducteur, et à une dizaine de rédacteurs. «Sens» est distribué dans les galeries, librairies, fondations en Tunisie, et je l’exporte en Europe et dans le monde arabe. Sa parution a suscité de l’intérêt à l’étranger. La revue fait clairement écho. 
Pourquoi ce choix de le faire paraître en arabe et en anglais ?
Pour mieux cibler l’univers des arts dans le monde arabe. Assumer ce choix, c’est reconnaître notre langue arabe. 
L’anglais est très important de nos jours, primordial même. A travers ces deux langues, un contenu de qualité a vu le jour. Il annonce l’actualité des acteurs culturels, des structures, avec leur contribution, nous sommes à l’affût de l’information. 
En 2 ans, faire paraître un magazine garni, c’est important. Nous prenons le temps nécessaire pour créer un contenu de qualité.