« Twerikh Tounes », le nouveau spectacle de Hatem Karoui : Au-delà des récits figés
Relevant avant tout du théâtre, l’œuvre s’inscrit dans une démarche interdisciplinaire, avec une musique originale, des séquences chorégraphiées illustrant des moments clés de l’histoire tunisienne (Hannibal et ses troupes, la migration hilalienne, le conflit ottomano-espagnol, la lutte nationale pour l’indépendance…) et des projections vidéo servant à enrichir certains tableaux visuels et à fluidifier les transitions entre les scènes.
La Presse — Le nouveau spectacle «Twerikh Tounes» ((Histoires de Tunisie) de Hatem Karoui a fait sa première, hier à El Teatro (Tunis).
Deux autres représentations sont prévues aujourd’hui vendredi 31 octobre et demain samedi 1er novembre.
L’œuvre, qui se situe à la croisée de plusieurs langages artistiques (le texte, le mouvement, le son et l’image), est une comédie satirique qui revient sur les grandes étapes historiques qui ont marqué notre pays.
«Un miroir infidèle aux récits figés dans les manuels», note son initiateur, et de prévenir: «Si vous cherchez un cours d’Histoire, vous n’êtes pas au bon endroit. Ici, on rit de nous-mêmes d’abord, et de tous ceux qui croient que l’Histoire est intouchable. Venez rire avec nous… de vous-mêmes!»
Sur scène, des personnages historiques réels et d’autres imaginaires se succèdent pour prouver quelque chose… qui a existé, ou peut-être pas ! Conflits et batailles, autrefois racontés d’une manière idéalistée, se voient dépouillés de leur aura sacrée.
Hatem Karoui, qui en signe le texte et la mise en scène, partage l’affiche avec Samah Sanakri, Mehdi Chammam, Aziz Jedda, Ijlel El Majed et Mohamed Ali Blaiech.
Relevant avant tout du théâtre, l’œuvre s’inscrit dans une démarche interdisciplinaire, avec une musique originale, des séquences chorégraphiées illustrant des moments clés de l’histoire tunisienne (Hannibal et ses troupes, la migration hilalienne, le conflit ottomano-espagnol, la lutte nationale pour l’indépendance…) et des projections vidéo servant à enrichir certains tableaux visuels et à fluidifier les transitions entre les scènes.
La musique est conçue par Anes Ezzamali, le rap interprété par Mehdi Chammam/Massi, les lumières et la scénographie sont assurées par Sabri El Atrous.
Les costumes sont créés par Abir Nayt Ali, la production confiée à Rahma Dridi et le design graphique réalisé par Mehdi Chabbi.
Slammeur, comédien, chanteur satirique, metteur en scène et animateur culturel, Hatem Karoui est le pionnier du slam en Tunisie.
Il a commencé sa carrière artistique, début 2001, avec sa participation à la pièce de théâtre «Ici Tunis» de Taoufik Jebali.
Parmi ses performances notables : «Révolution» (2011) et «Boomerang» (2024), mis en scène par Foued Litaiem.
Ce dernier one man show (1h30) inspiré de son expérience vécue au Canada offre une réflexion sur les enjeux de la société moderne.
Ce que raconte le spectacle
«Twerikh Tounes» puise ses racines dans les interrogations profondes et légitimes que de nombreux Tunisiens se sont posées après la Révolution.
Ces questionnements, souvent nourris de doutes et de remises en cause, portent sur certaines zones d’ombre de l’histoire officielle du pays.
Très vite, des débats identitaires ont refait surface : la résurgence du tribalisme, les appels à «rouvrir» la Tunisie, ou encore des revendications affirmant : «Nous sommes Amazighs, pas Arabes!».
Ces fractures révèlent une réalité fondamentale : la Tunisie ne dispose pas d’un récit historique national fédérateur, capable de rassembler l’ensemble de ses citoyens dans leur diversité sociale, ethnique, régionale, confessionnelle et idéologique.
Ce clivage latent entre les composantes d’un même peuple a constitué le point de départ et la principale source d’inspiration de cette expérience théâtrale inédite dont le titre renvoie à la pluralité d’une mémoire que chacun s’approprie différemment.
«Ce spectacle ne prétend pas donner une leçon d’histoire. Bien au contraire : il en offre une lecture satirique et décalée, revisitant les épisodes et personnages historiques connus tout en introduisant des figures fictives issues de l’imaginaire collectif.
Ce procédé permet d’instaurer à la fois une distance critique et une dimension humoristique, pour questionner avec légèreté ce que beaucoup considèrent encore comme des certitudes», souligne son auteur.
En somme, il s’git d’une comédie satirique à la fois drôle et grave, qui aborde avec humour et sensibilité une question fondamentale : la formation de la conscience collective d’un peuple.
«À travers cette approche accessible et vivante, nous souhaitons réconcilier les jeunes générations avec leur histoire, les inciter à redécouvrir le patrimoine culturel et politique de la Tunisie et raviver en eux la fierté d’appartenir à une nation plurielle, dont l’influence s’étend bien au-delà de ses frontières», explique encore Hatem Karoui.
