Le ring est vide, mais le combat continue : celui pour la justice sportive. Derrière la dissolution précipitée du bureau élu, un parfum d’arbitraire et d’injustice plane sur la boxe tunisienne. Le bureau fédéral élu — et dissous par décision administrative— sort de son silence.
La Presse — Une ombre plane sur la boxe tunisienne. Alors que le «bureau provisoire de la Fédération Tunisienne de Boxe» annonçait l’impossibilité de la participation de l’équipe nationale aux Jeux de la solidarité islamique en Arabie saoudite, le bureau fédéral élu — et dissous par décision administrative — sort de son silence. Il dénonce ce qu’il qualifie d’injustice flagrante et de manœuvre dilatoire, à l’origine directe de cette absence inédite.
Selon les précisions de ce bureau, tout a commencé il y a plus de dix mois, lorsque la Fédération a adressé au ministère de la Jeunesse et des Sports une demande officielle pour obtenir l’autorisation d’adhérer à la World Boxing, nouvelle instance internationale de référence.
Un acte souverain, certes, mais soumis à l’approbation préalable de l’autorité de tutelle.
Or, malgré de multiples rappels et courriers de suivi, la Fédération n’a reçu aucune réponse de la part de la direction générale des sports, bloquant ainsi tout le processus. Entre-temps, la World Boxing avait invité officiellement la Tunisie à participer à une réunion décisive au Caire — un signe fort de reconnaissance internationale. Mais là encore, aucun représentant tunisien n’a été autorisé à s’y rendre, décision qui a profondément choqué la communauté sportive.
Le Comité national olympique tunisien (Cnot) aurait, lui aussi, tenté d’intervenir par des correspondances répétées, sans résultat.
Pourtant, la Tunisie n’était pas en marge du mouvement mondial : elle a participé aux Jeux africains de la jeunesse en Algérie, y récoltant plusieurs médailles.
En plus, un arbitre tunisien, Khaled Kannouni, a même été autorisé à officier à la demande directe de la Fédération et avec l’accord de la World Boxing. Autant de faits qui, selon le bureau dissous, attestent de la légitimité de son action et de la solidité de ses liens avec la fédération internationale.
Le véritable blocage, selon lui, vient d’une dissolution arbitraire du bureau élu et d’un retard administratif dans la signature de documents essentiels par le Cnot, ayant conduit à la non-inscription du contingent tunisien. «La faute ne revient nullement à la Fédération légitime », assure le bureau, qui promet de publier prochainement l’ensemble des documents officiels prouvant ses dires.
Enfin, le bureau rappelle que d’autres pays, comme le Maroc, n’ont pas non plus participé à ces Jeux pour des raisons organisationnelles internationales.
Mais en Tunisie, ce nouvel épisode met en lumière les carences structurelles d’un système sportif en mal de gouvernance, où les athlètes, une fois de plus, paient le prix fort des lenteurs et des luttes administratives.
«Une décision incompréhensible et injustifiée »
Dans une émission télévisée récente, Saber Sahraoui, vice-président du bureau fédéral dissous, a livré un témoignage aussi lucide que désarmant. «Nous avons reçu la décision de dissolution le 1er octobre, soit un jour seulement après la fin officielle de notre mandat», précise-t-il. «Pour la forme, c’est déjà surprenant.
Mais pour le fond, on nous accuse de mauvaise gestion, alors même que nous avons laissé 250.000 dinars d’excédent dans les caisses — un fait rarissime à la Fédération — après avoir réglé 100 000 dinars d’arriérés. Où est donc la faute ?»
Parmi les griefs évoqués, un cas de double licence d’un boxeur et le choix d’avoir organisé le championnat national à Moknine plutôt qu’à El Menzah. «Nous voulions simplement décentraliser la boxe, l’ouvrir aux régions, redonner souffle à un sport souvent confiné à la capitale. Est-ce un crime ? », interroge Sahraoui.
Plus troublant encore, les membres du bureau dissous se sont vu interdire de se présenter aux prochaines élections. «Certaines parties au ministère pêchent dans des eaux troubles », dénonce le vice-président.
Il s’interroge sur l’origine réelle de cette cabale : «Est-ce parce que nous avons voulu relever le niveau d’exigence, en demandant que le président de la Fédération ait désormais un niveau de maîtrise et non plus un simple baccalauréat? N’est-il pas normal qu’un représentant du sport tunisien, appelé à dialoguer à l’international, maîtrise des langues et des usages ?
La dissolution du bureau de la Fédération tunisienne de boxe ne semble donc pas relever du simple désaccord administratif, mais bien d’un malaise plus profond : celui d’une gouvernance sportive en perte de repères, où les compétences sont souvent reléguées au second plan, au profit d’intérêts opaques et de calculs de couloir.
Il est temps, plus que jamais, de panser la plaie ouverte de la boxe tunisienne. Un sport noble, forgé dans la rigueur et le courage, ne mérite pas d’être asphyxié par des querelles bureaucratiques.
Et si la Tunisie veut encore se battre sur le ring du sport international, il faudra commencer par un combat plus essentiel : celui de la transparence, de la compétence et de la justice sportive.