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Combien de Tunisiens vivent en France, et dans quelles conditions ?

  • 6 novembre 12:14
  • 3 min de lecture
Combien de Tunisiens vivent en France, et dans quelles conditions ?

La communauté tunisienne en France connaît une expansion sans précédent. Selon les données de l’Observatoire français de l’immigration et de la démographie, la France comptait 347 000 immigrés tunisiens en 2023, soit 4,8 % de la population immigrée. En dix-sept ans, le nombre de Tunisiens installés dans l’Hexagone a progressé de plus de 50 %, enregistrant la plus forte hausse parmi les diasporas du Maghreb.

Mais derrière cette croissance démographique se cache une réalité sociale contrastée. Les Tunisiens de France demeurent confrontés à des difficultés persistantes d’intégration économique et sociale. En 2022, près de 35 % des immigrés tunisiens âgés de 15 ans et plus n’étaient ni en emploi, ni en formation, ni à la retraite (contre 12,6 % pour la population française). Le taux de chômage atteignait environ 15 %, soit plus du double de celui observé chez les non-immigrés.

Le niveau de qualification demeure également un frein majeur à l’insertion. Près de 40 % des immigrés tunisiens ne possèdent aucun diplôme ou seulement un brevet d’études. Cette fragilité se reflète aussi dans les conditions de logement : seuls 29 % des Tunisiens et Marocains installés en France sont propriétaires de leur résidence, contre 59 % pour les Français sans ascendance migratoire.

Pour autant, ces difficultés n’empêchent pas la diaspora de s’enraciner durablement. Le taux de fécondité des femmes tunisiennes reste supérieur à la moyenne nationale : 3,5 enfants par femme en 2014, contre 1,88 pour les Françaises. En 2021, ce chiffre s’établissait encore à 2,5 enfants chez les femmes nées au Maghreb vivant en France. Plus de la moitié des nouvelles arrivantes tunisiennes ont au moins un enfant dans les quatre années suivant leur installation, témoignant d’une stabilisation progressive des foyers.

La France demeure par ailleurs une destination privilégiée pour les étudiants tunisiens. En 2023-2024, plus de 44 000 étudiants tunisiens étaient inscrits dans les établissements de l’Hexagone, soit près de 60 % de l’ensemble des étudiants tunisiens à l’étranger. Cette présence s’accompagne d’une montée en puissance de la migration qualifiée : le nombre de médecins tunisiens exerçant en France est passé de 266 en 2010 à 1 591 en 2023, soit une hausse spectaculaire de 600 %.

Cependant, ces professionnels se heurtent souvent à un manque de reconnaissance, à des conditions d’exercice précaires et parfois à des discriminations dans les institutions hospitalières françaises. Ce paradoxe (entre excellence académique et obstacles professionnels) illustre la complexité du parcours d’intégration de cette élite migrante.

Sur le plan administratif, les tensions restent vives. En 2024, 13 414 Tunisiens en situation irrégulière ont été interpellés en France, faisant de cette nationalité la deuxième la plus concernée après les Afghans, et la première parmi les pays du Maghreb. Pourtant, seules 887 expulsions effectives ont été réalisées sur 12 006 décisions d’éloignement, soit un taux d’exécution de 7,4 %.

La diaspora tunisienne en France se distingue ainsi par une dynamique démographique et éducative positive, mais également par une fragilité socio-économique persistante. Entre ambition, intégration incomplète et enjeux migratoires complexes, elle incarne à la fois la réussite d’une communauté installée et les défis d’une inclusion encore inachevée dans la société française.

Auteur

La Presse