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Détérioration du pouvoir d’achat en Tunisie – entre inflation artificielle et méfaits de l’ingénierie sociale : La manipulation des prix en cause

  • 3 décembre 18:00
  • 5 min de lecture
Détérioration du pouvoir d’achat en Tunisie – entre inflation artificielle et méfaits de l’ingénierie sociale : La manipulation des prix en cause

L’économie tunisienne est confrontée à une détérioration persistante du pouvoir d’achat des ménages, un phénomène complexe qui va au-delà de la simple inflation. Selon l’analyse proposée par l’Organisation tunisienne pour informer les consommateurs (Otic) et son président, Lotfi Riahi, cette crise est exacerbée par les pénuries et surtout par une «inflation artificielle» massivement influencée par l’ingénierie sociale numérique.

La Presse — Les symptômes de la crise du budget des ménages sont palpables. On brosse un tableau alarmant de la vie quotidienne des Tunisiens, caractérisée par, tout d’abord, la cherté de la vie et une fin de mois difficile. La pression budgétaire est omniprésente pour les ménages, avec des coûts sociaux exorbitants. Les récentes statistiques (INS) révèlent des montants décourageants pour les étapes clés de la vie, comme le coût de l’éducation d’un enfant de près de 150.000 D et du mariage de 30.000 D. Sans oublier celui pour l’acquisition d’un véhicule.

L’échec des initiatives sociales exacerbent les tensions. Des projets visant à améliorer le bien-être, comme le crédit sans intérêt pour le mariage ou la voiture pour chaque famille, «prennent du plomb dans l’aile» ou «tombent à l’eau».

Les causes profondes : inflation artificielle et spéculation

L’Otic identifie clairement les facteurs qui alimentent cette détérioration. Le rôle néfaste de l’inflation artificielle et des pénuries est sans conteste. L’inflation est exorbitante. L’inflation observée est qualifiée d’«artificielle» ou «exorbitante», suggérant qu’elle est largement déconnectée des coûts de production réels et est due à la manipulation des prix.

Le communiqué récent de l’Otic donne l’exemple de la viande rouge : bien que le coût de l’alimentation animale ait diminué de 50% ces trois dernières années, la différence de prix de vente au consommateur entre les revendeurs peut atteindre 25 D (40 D contre 65 D), soulignant une spéculation massive. L’ingérence des spéculateurs aggrave la situation. Des acteurs profitent de la situation, bénéficiant des baisses de coûts qui ne sont pas répercutées sur la bourse du consommateur.

L’ingénierie sociale, l’arme de la manipulation numérique

L’ingénierie sociale, via les réseaux sociaux, est perçue comme la principale cause de la modification des comportements de consommation et de la banalisation des prix élevés. Il y a un danger derrière le recours à l’ingénierie sociale. Les conséquences sur le consommateur et l’économie sont la création de pénuries et de fausses crises, la diffusion de fausses informations (images/vidéos de magasins vides) qui incitent à l’achat précipité et au stockage, perturbant l’équilibre du marché et faisant grimper les prix. 

Ajoutée à cela, la manipulation de la confiance. Des campagnes niant la baisse des prix (ex. viande rouge) sont diffusées pour discréditer les décisions officielles et entraver les réformes. 

Le désintérêt pour le produit national est suscité par l’incitation à croire que la qualité est synonyme de produits étrangers, ce qui diminue la valeur et la demande pour l’industrie tunisienne. La banalisation et la perversion des valeurs complètent le décor. Promotion de séries et contenus qui banalisent les futilités et les comportements déviants (drogue, violence), dévalorisant des professions clés (médecins, ingénieurs) au profit d’influenceurs.

Propositions de l’Otic pour consolider le pouvoir d’achat

Face à cette crise multifactorielle, l’Organisation tunisienne pour informer les consommateurs (Otic) avance des solutions concrètes, principalement axées sur le contrôle des prix et la lutte contre la désinformation, prise de mesures de contrôle économique, réduction et plafonnement des prix.

L’idée maîtresse est de fixer un prix plafond raisonnable pour tous les produits et services, non pas basé sur la marge bénéficiaire, mais imposé au produit lui-même.  Plafond suggéré : entre 20 et 30% du coût initial. L’objectif est de contraindre les fabricants à respecter ce plafond, supprimer la marge bénéficiaire occulte (notamment des grandes surfaces) et éviter ainsi la hausse incontrôlée des prix.

Pour ce qui est de la gestion de l’huile d’olive, M. Riahi propose que l’Office national de l’huile vende à un prix inférieur pour le consommateur tunisien, en séparant complètement le produit national et en fixant un prix juste (autour de 10 D pour l’excellente qualité). Il faudrait envisager des mesures de protection numérique et sociale. L’Otic appelle à ce sujet, à une intervention nationale pour construire une immunité numérique chez le consommateur.

Action nationale recommandée

Une législation spécifique contre la désinformation et l’ingénierie sociale numérique est devnue nécessaire pour enrayer le fléau. Le rôle du consommateur est central. Il doit vérifier toute information avant de la partager.

On doit œuvrer pour la création d’un Observatoire national de l’ingénierie sociale, s’abstenir de communiquer des données personnelles à des tiers inconnus, assurer l’intégration de l’éducation aux médias et au numérique dans les programmes scolaires, privilégier les produits nationaux par conviction et responsabilité économique et lancement d’une plateforme nationale de signalement des contenus trompeurs et adopter une culture de consommation responsable.

En conclusion, si les augmentations de salaires peuvent être une solution temporaire, l’Otic insiste sur le fait que le véritable combat est celui de la baisse des prix et de la sensibilisation collective contre les forces de manipulation qui exploitent l’environnement numérique pour imposer une cherté artificielle de la vie.

Auteur

Mohamed Salem Kechiche