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Economie

Tunisie – Huile d’olive : Un atout géopolitique majeur…

  • 3 décembre 18:30
  • 6 min de lecture
Tunisie – Huile d’olive : Un atout géopolitique majeur…

À l’heure où la Tunisie s’attend à une bonne campagne oléicole, l’huile d’olive s’impose plus que jamais comme un atout national à valoriser. Malgré certaines fragilités, la filière dispose d’un potentiel remarquable, porté par un savoir-faire ancestral et une qualité reconnue dans le monde. En s’inspirant d’expériences réussies, comme celle de la Chine avec la baie de goji, la Tunisie peut transformer son or vert en moteur de développement, de rayonnement et d’avenir.

La Presse — La Tunisie vit cette année un paradoxe vivant : un pays qui possède l’un des meilleurs vergers d’oliviers au monde, mais qui peine à protéger une filière stratégique, parfois livrée aux caprices du climat et plus souvent encore à ceux du marché.

Pourtant, il existe une vérité que les spécialistes répètent discrètement depuis des années : si la Tunisie le voulait vraiment, son huile d’olive pourrait redevenir l’un de ses atouts géopolitiques majeurs, comme l’or noir l’a été ailleurs.

Un patrimoine menacé par l’irrégularité

La campagne oléicole s’annonçait meilleure que les précédentes — elle devrait atteindre 500.000 t selon les estimations — mais l’espoir s’est heurté très vite aux contraintes du terrain : manque de main-d’œuvre, prix d’achat trop bas pour les producteurs (entre 8 et 10 d le litre d’huile d’olive), hausse des coûts agricoles, absence d’une stratégie de stockage moderne.

Les agriculteurs l’ont compris : sans soutien rapide, la saison risque de se perdre, laissant le pays importer ce qu’il exportait hier.

Ce n’est pas la première fois que la Tunisie trébuche sur une richesse pourtant millénaire. Mais l’économie tunisienne ne peut plus se permettre ce gaspillage : l’huile d’olive représente une part essentielle des exportations, une entrée de devises précieuse et une filière qui fait vivre des centaines de milliers de familles.

Le monde change, la Tunisie hésite encore

Dans un marché mondial où l’Espagne souffre de sécheresses répétées et où l’Italie se réinvente, la Tunisie possède une fenêtre rare pour consolider sa place dans le club des grands. Mais cette place ne s’obtiendra ni par le volume, ni par la chance.

Elle exige une montée en gamme, une labellisation forte, un marketing reposant sur l’authenticité méditerranéenne, et surtout une vision.  Les oléiculteurs tunisiens produisent une huile que les experts classent parmi les meilleures. Ce qui manque, ce n’est ni la qualité, ni le savoir-faire : c’est une politique nationale digne d’un secteur stratégique.

Sauver la saison, c’est préparer l’avenir

Le salut ne viendra pas seulement d’un soutien financier ponctuel. Il viendra d’un changement de regard : traiter l’huile d’olive non comme un produit agricole parmi d’autres, mais comme un symbole d’excellence, un secteur d’exportation à haute valeur, une marque nationale.

Des solutions existent : un prix minimum garanti pour éviter l’effondrement des revenus agricoles, un stockage stratégique pour lisser les variations saisonnières, des incitations à l’embouteillage local, une diplomatie économique dédiée à la conquête de nouveaux marchés, l’innovation dans les variétés résistantes à la sécheresse.

Le rôle de l’Etat n’est pas de le faire à la place des producteurs, mais de sécuriser l’environnement qui leur permettra d’investir, de moderniser et de transformer une saison fragile en un cycle durable.

Une filière qui peut inspirer le pays entier

La Tunisie a déjà prouvé, dans d’autres secteurs, qu’elle pouvait se réinventer lorsqu’elle marie tradition et modernité. L’huile d’olive offre ce même potentiel. En la sauvant aujourd’hui, le pays ne protège pas seulement une récolte ; il protège un héritage, une identité, et peut-être même un modèle.

La Tunisie a besoin de victoires. Celle-ci est à portée de main. Il suffit de tendre la main et de croire enfin que ce pays peut capitaliser sur ses forces. L’huile d’olive, depuis des siècles, éclaire les lampes : elle peut encore éclairer l’avenir.

En Chine, on a réussi à transformer une baie traditionnelle en atout économique, sanitaire et diplomatique. Le goji, petit fruit rouge riche en antioxydants, est devenu une grande ambition nationale.

C’est qu’il y a des symboles que les nations cultivent pour raconter leur propre histoire. Pour la Chine, le goji, cette baie rouge originaire de la région de Ningxia, est plus qu’un fruit. C’est un héritage médicinal vieux de mille ans, un produit identitaire, que Pékin a décidé de projeter dans le futur.

Ce qui n’était qu’un ingrédient de la pharmacopée traditionnelle devient aujourd’hui une industrie moderne, techniquement avancée et tournée vers l’exportation. La Chine ne se contente pas de produire du goji : elle construit autour de lui un modèle agricole et économique.

Ningxia, capitale mondiale du goji

Dans cette région longtemps marginale, la transformation est spectaculaire. Les vergers de goji, jadis dispersés et exploités de manière artisanale, sont aujourd’hui intégrés dans de vastes exploitations équipées de systèmes d’irrigation intelligente, stations de tri numérique, certifications qualité pour l’export, laboratoires de transformation en jus, poudre, huiles et extraits nutritionnels. Résultat ? Le marché national, déjà colossal, pousse les producteurs à innover.

Les marques premium se multiplient, mêlant tradition et marketing minimaliste inspiré du Japon ou de la Corée. Le goji est aujourd’hui un produit phare de la production chinoise. Il attire même des touristes internationaux venus de divers coins de la planète pour découvrir et écouter l’histoire que l’on raconte autour de ce produit du terroir chinois très précieux.

La Tunisie n’a qu’à s’en inspirer si l’on veut changer la destinée d’un produit du terroir tunisien infiniment précieux qu’est l’huile d’olive.

Auteur

Mohamed Hedi ABDELLAOUI