Banque nationale de gènes (BNG), 18 ans déjà ! Son inauguration officielle en 2007, soit quatre ans après sa création en vertu d’un décret-loi, était, alors, perçue comme un début prometteur, sur la voie de la conservation de nos ressources génétiques et leur valorisation. Son parcours semble être passionné, mais non sans difficulté.
La Presse — Bien que ses efforts n’aient pas été dûment récompensés, la BNG voudrait sortir des sentiers battus et se frayer un chemin dans les dédales des labos de recherche et des champs agricoles. Sa mission de prospection et de collecte des échantillons (semences, plantes..), là où elles se trouvent, n’a jamais été facile et encore moins visible aux médias.
Faute de moyens financiers, mais aussi d’un cadre juridique assorti à ses ambitions, la BNG a du mal à promouvoir ses actions et à intensifier la sensibilisation quant à la portée de la protection de notre biodiversité.
Des espèces sur la liste rouge
Fruit d’une série de conventions internationales que la Tunisie avait signée, dont notamment celles relatives au changement climatique et à la diversité biologique, la banque s’est alignée, dès le départ, sur les objectifs du développement durable, en tant que gage de vie et de survie d’un potentiel génétique riche et varié.
Et depuis, elle a continué à œuvrer pour la conservation de nos ressources agricoles d’origine végétale ou animale, contribuant, un tant soit peu, à en minimiser les risques de perte. «En effet, cette perte accélérée de la biodiversité est une conséquence directe des activités entreprises par l’homme dont l’agriculture intensive, la dégradation des sols, la surpêche, les changements climatiques et la pollution», conclut une étude réalisée, en 2019, par l’Ites sur «le rôle de la BNG dans la conservation de la diversité biologique et la sécurité alimentaire en Tunisie».
Où sont nos produits du terroir d’antan ? Espèces végétales, variétés céréalières, plantes fourragères, arbres fruitiers et bien d’autres autochtones, il n’en reste presque rien ! Et si certains figurent sur la liste rouge, d’autres ont complètement disparu. Un tel patrimoine biologique agricole est si menacé qu’il risque de perdre tout son matériel génétique. Soit l’ADN qui préserve son identité, avec nos saveurs, connaissances et nos savoir-faire intrinsèques.
Conserver pour valoriser
Pour la petite histoire, «notre pays était, autrefois, reconnu comme un centre de diversité de plusieurs espèces agricoles, où des pratiques de sélection paysanne et de gestion de semences locales différenciées selon les régions», rappelle Dr Amine Selim, chercheur à la BNG.
Principalement, son rôle consiste en «l’évaluation et la conservation des gènes (végétaux, animaux et micro-organismes) locaux, acclimatés et exotiques, notamment ceux qui sont rares, menacés d’extinction et ceux qui présentent un intérêt économique, écologique ou médicinal».
En fait, elle intervient, in situ ou ex- situ, pour pouvoir sauver ce qui peut encore l’être. A quoi s’en tiennent les huit équipes de travail opérant au sein de la banque. A chacune son champ d’action : «Céréales et légumineuses alimentaires», «cultures fourragères et pastorales», «arbres fruitiers», «plantes maraîchères, condimentaires et ornementales», «plantes forestières», «plantes aromatiques et médicinales», «ressources génétiques animales» et «micro-organismes», sont autant d’objets de recherche.
Dynamiques et enthousiastes, ces chasseurs de gènes perdus sous les pieds allaient fouiller même dans les zones les plus reculés. Tout déplacement obéit à un plan d’action précis, regroupant les différents intervenants. Ils tiennent à préparer leur sortie d’exploration et tester tout terrain d’opération, en quête d’espèces végétales rares.
Ils les ramènent à des fins de conservation et de valorisation. «Près de 25 mille accessions d’espèces génétiques végétales locales (semences, plantes fourragères) sont, actuellement, conservées dans nos labos. Leur valorisation devrait passer par la recherche scientifique agricole.
Dans ce cadre, on a déjà signé une convention avec l’Institution de la recherche et de l’enseignement supérieur agricoles Iresa-Tunisie», recense Dr Houda Chennaoui, membre d’une équipe des chercheurs à la BNG. Certaines de nos ressources génétiques ont été acquises sous forme de dons ou à travers les initiatives de rapatriement des autres banques étrangères partenaires.
La BNG veut changer son statut
Conserver ces gènes pour l’avenir des générations exige tout bonnement certaines techniques de refroidissement (-20°C, -80°C ou -196°C). Alors que la cryoconservation consiste en l’entreposage de matériel biologique (semences, embryons végétaux..) à des températures extrêmement basses correspondant généralement à celle de l’azote liquide, soit -196 °C.
En attendant leur valorisation à temps ! Et ce n’est pas tout. Cette conservation ex situ de nos ressources, ajoute Dr Selim, est appuyée par un programme de conservation in situ à la ferme, visant à faire participer les agriculteurs et les communautés locales et les impliquer dans cette approche conservatrice aussi dynamique. «Cela permet une amélioration continue et une adaptation évolutive aux changements climatiques grâce au processus naturelle», affirme-t-il encore.
Certes, la BNG semble être un apport précieux, censé booster l’agriculture durable. Mais par quels moyens ? Son impact dans la création variétale et la sécurité alimentaire n’est pas encore évident.