Vient de paraître aux editions Leaders : Une fille de Kairouan
Vive, élégante, gracieuse, le verbe juste et l’humour britannique, notre Kairouanaise-Anglaise raconte et se raconte.
La Presse — Née au cœur des terres, à Kairouan, elle a vécu mille vies, franchi des mers, escaladé des montagnes. Hafidha Ben Jjeb Latta, jeune Kairouanaise de belle souche, a connu la vie traditionnelle d’une famille, celle festive et joyeuse d’une étudiante à qui le code du statut personnel venait d’accorder la liberté, la trépidante vie professionnelle aux côtés de notre Premier ministre de la culture Si Chedly Klibi, dans l’euphorie et le foisonnement culturel de l’époque.
Et puis, ayant franchi tous les tabous de l’époque, elle entama la vie voyageuse et passionnante d’épouse de diplomate anglais à travers le monde. Refusant de jouer le rôle de potiche décorative souvent attribué à ces compagnes de représentants de pays à l’étranger, elle enseigna, créa des associations, en a soutenu d’autres, orchestré des événements et finit par monter un étonnant réseau d’échanges de textiles traditionnels entre l’Orient et l’Occident.
Vive, élégante, gracieuse, le verbe juste et l’humour britannique, notre Kairouanaise-Anglaise raconte et se raconte.
Comment en vient-on, octogénaire bon pied, bon œil, à écrire le livre de sa vie ? Probablement parce que la vie trépidante qu’a menée Hafidha ne lui en a pas laissé le temps plus tôt ?
Mais, surtout, affirme-t-elle, parce qu’elle avait fait la promesse à sa mère, sur son lit de mort, de raconter la vie difficile de celle qui avait tout sacrifié pour ses enfants dans une société aride pour les femmes seules.
« Ce livre, je l’avais écrit pour mes enfants, ma famille, sans penser tout d’abord à l’éditer.
Car, au départ, il ne s’agissait que de l’histoire de ma mère. Une histoire de tristesse et de malheurs que nul éditeur n’aurait envie d’éditer à mon avis.
Mais moi, j’avais eu une vie de lumière, beaucoup de joies, de projets, de bonheurs. J’ai alors décidé de le compléter parce que je tenais à publier l’histoire de ma mère. J’ai la chance d’avoir une très bonne mémoire photographique.
Je me souviens en images de tout ce que j’ai vécu, tout ce à quoi j’ai assisté, tout ce que l’on m’a dit avec le ton et l’expression qui l’accompagnent.
Le livre était donc dans ma tête, entièrement, depuis plus d’un an ».
Le livre a été écrit en anglais, puis traduit à la demande de ses amis et de Taoufik Hbaïeb dont les éditions Leaders font œuvre de mémoire.
La jolie conclusion de cette belle histoire, c’est que Hafidha Ben Rejeb Latta, faisant des recherches sur le livre de son grand-père, le poète Salah Souissi, qu’elle avait contribué à faire éditer à l’époque, découvrit, à la Bibliothèque nationale, que celui-ci avait laissé onze livres en fait, et qu’on lui devait le premier roman africain édité en 1906.
C’est donc avec beaucoup de joie qu’elle se rendait à Kairouan après notre entretien pour y présenter son livre et celui de son grand-père.