gradient blue
gradient blue
Société

Notre santé face aux aléas climatiques : Comment rendre nos hôpitaux plus durables ?

  • 8 novembre 19:10
  • 8 min de lecture
Notre santé face aux aléas climatiques : Comment rendre nos hôpitaux plus durables ?

Il y a quatre ans, la COP 26, tenue en 2021 à Glasgow, au Royaume-Uni, avait réveillé les démons des affres du climat dans un contexte sanitaire aussi fragile qu’alarmiste, particulièrement, marqué par une épidémie— du jamais vu dans le monde— celle du Covid-19.

La Presse — C’était, pour la première fois, que climatologues, écologistes et politiques se sont, alors, accordés sur un point particulier : aider les pays à mettre des systèmes de santé résilients face au changement climatique, durables et à faibles émissions de carbone. Pour nos hôpitaux, passer au vert est une urgence plus qu’un simple enjeu stratégique. 

Cette recommandation unanime semble puiser dans l’esprit de l’agenda 2030 dont les 17 ODD retenus s’alignent sur la préservation du capital humain et son bien-être de santé, à l’aune des défis d’une transition énergétique irréversible. 

A ce niveau-là, la Tunisie est déjà en pleine gestation. D’autant plus que l’option environnement est une question transversale qui touche de plain-pied notre santé, un secteur vital polluant et énergivore. Ce constat, certes, est devenu aussi redoutable qu’indéniable, mais qu’on pourrait améliorer dans une politique de gestion verte, devant ainsi allier écologie et énergie.  

Tout devrait être planifié

Et lorsque la sécurité sanitaire et le confort au travail dans nos hôpitaux font tous deux défaut, il n’y a pas de demi-mesures et point de réticence à agir dans le bon sens. Hôpital durable, dirait-on, c’est faisable, mais, tout devrait être planifié. Car le secret se cache dans les envies. 

Sous nos cieux, l’on commence, alors, à parler d’un modèle hospitalier sobre en énergies et résilient aux impacts du changement climatique, phénomène universel qui menace de tout bouleverser si rien n’est fait pour réduire l’intensité carbone et atteindre «zéro émission nette» d’ici aux années à venir. Aussi, faut-il désormais, s’y préparer et s’engager dans de nouveaux plans de développement durable qui soient basés sur les piliers d’une stratégie nationale bas carbone à l’horizon 2050. 

L’essentiel est d’adopter de bonnes pratiques énergétiques efficaces qui soient rentables et productives d’énergies renouvelables. L’Agence nationale pour la maîtrise de l’énergie (Amne), en est fortement consciente. Elle semble travailler d’arrache-pied, se lançant dans une vaste campagne de sensibilisation, à même de vulgariser les jargons et faire comprendre au citoyen lambda la portée d’une consommation d’énergie assez modérée.

Régler le climatiseur à 26 degrés en plein été, modérer la température du chauffage, rationaliser l’usage des appareils électroménagers, éteindre les téléviseurs, les lampes ou les ordinateurs la nuit…, cela ne requiert point d’effort. Au contraire, trop d’énergie implique, forcément, trop de dépenses. Soit rompre avec «la mentalité du gaspi». Dans nos hôpitaux, cela devient, aussi, monnaie courante. 

Il y a raison de penser santé- environnement !

Et avec un tel changement en mode de vie et de consommation, la transition énergétique déjà en marche, d’ici à 2030, se révèle être un passage obligatoire. Là où l’on devrait porter à 30% la part des énergies renouvelables, diminuer de 41% l’intensité carbone et baisser de 30% la demande en énergie primaire, estiment nos experts.

Parlons-en ainsi, «l’Anme a pour rôle de concrétiser les objectifs de la transition énergétique et à respecter ses engagements climatiques, à travers plusieurs axes d’interventions, à savoir les énergies renouvelables, la lutte contre le changement climatique, l’adaptation et efficacité énergétique», souligne Rym Nafti, coordinatrice du Programme pour l’efficacité énergétique dans les bâtiments (Peeb) – Tunisie, lors d’un webinaire organisé il y a trois ans.

D’où il y a toujours raison de penser santé- environnement, avec des moyens de résilience et d’adaptation aux aléas climatiques. 

En termes d’eau, d’électricité, de chaud et froid, auxquels s’ajoutent le rejet des déchets hospitaliers dangereux, le secteur de la santé contribue, lui aussi, au changement climatique et en subit les effets. Il consomme trop d’énergie et génère entre 4 et 5% des émissions de gaz à effet de serre.

Alors, il est temps d’intégrer la durabilité comme étant une notion primordiale dans la gestion quotidienne de nos hôpitaux. Comment les rendre plus durables ? D’après des sources croisées, un hôpital durable doit être conçu et bâti, suivant des normes économiques et écologiques, offrant un environnement sain et propre, favorisant des soins écoresponsables aux patients et bien-être professionnel au personnel médical et paramédical, tout en minimisant l’impact sur le climat. 

Un guide de bonnes pratiques énergétiques

On est, alors, au cœur des bienfaits de l’écoconstruction dont l’enjeu majeur est, tout bonnement, de revoir à la baisse la consommation d’énergie en matière de santé. «Le bâtiment consomme 40% du total de l’énergie en Tunisie dont 5% pour le secteur de la santé. Surtout que l’on compte plus de 5 mille établissements de santé publics et privés étendus sur une surface globale de 759 mille m2, avec une capacité d’accueil autour de 5.600 lits et une intensité énergétique de 464 kwh/m2 par an.

Soit un potentiel de réduction de la consommation énergétique qui pourrait atteindre 50%», argue Mme Nafti. Comment engager nos hôpitaux dans cette transition énergétique ? A priori, c’est une question simple, mais la réponse semble complexe. Toujours est-il que le plan de financement et de conception en est la pierre d’achoppement. Mais ça commence à se débloquer ! 

Soit «les hôpitaux soignent leur énergie…», explique Amira Gader Jaziri, architecte en chef au ministère de la Santé, rappelant qu’un guide de maîtrise de l’énergie pour les bâtiments de santé est déjà, en place. Elaboré par l’Anme et ses partenaires précités dont le Peeb et le ministère de la Santé, ce guide illustre bel et bien les techniques d’écoconstruction et d’aménagement des hôpitaux.

Il s’inscrit dans le cadre de la promotion de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables, afin d’atteindre les objectifs stratégiques de la Tunisie dans ce domaine. De quoi devraient s’inspirer nos architectes et les maitres d’ouvrage et professionnels de la santé (ministère, directions régionales, EPS, CHU…).

D’ailleurs, «il y a une quarantaine de projets présentant un plan de construction à efficacité énergétique, dont certains sont en cours de réalisation, s’agissant, notamment, des d’hôpitaux régionaux à Makthar, à Ghardimaou, à Haffouz, à Kairouan, ainsi que l’hôpital de Gafsa et celui de Sidi Bouzid», énumère Mme Jaziri, ajoutant à cela le projet de mise à niveau de plusieurs services hospitaliers à Mongi-Slim (La Marsa), à Zarzis, à Ben Arous, ainsi que 17 urgences, avec une enveloppe de 5 millions de dinars kouweïtiens. 

Sans pour autant oublier que bien d’autres hôpitaux de type B sont encore à l’étude dans les régions de Thala, Dahmani, El Jem, Sbiba, ainsi qu’un hôpital polyfonctionnel de type A prévu à Kairouan. «Dans cette panoplie de projets, on aimerait bien identifier l’efficacité énergétique dans nos constructions, soit les solutions techniques adoptées, l’utilisation des matériaux locaux, l’orientation…)», indique-t-elle. 

Intégrer un bilan expert énergie

Pour ce faire, l’on exige que les ingénieurs et architectes aient dans leur perception une vision de durabilité de projets. «Alors, l’on doit intégrer un bilan expert énergétique, architecte et ingénieur expert, dès la phase de programmation, d’autant que l’enveloppe du bâtiment doit être conçue selon le modèle de l’écoconstruction, avec un système de management d’énergie du bâtiment et le recours aux énergies renouvelables pour la production d’électricité et de chaleur», note, sur cette lancée, Mohamed Ali Reghini, auditeur énergétique fort de 30 ans d’expérience. 

Aucun corps ne peut vivre sans énergie ! Mais, on peut, quand même, résister avec une bonne maîtrise d’énergie, dans un environnement mieux adapté aux aléas climatiques. A moins que l’on soit dans les normes techniques et respecte les bonnes pratiques d’efficacité énergétique : «Une expression architecturale harmonieuse, utilisation de matériaux locaux, un chantier à faible nuisance, la gestion de l’énergie favorisant le photovoltaïque et l’éclairage naturel, la gestion de l’eau et des déchets d’activités, la gestion technique centralisée», précise l’auditeur.

Selon lui, cette conception toute particulière a recours à l’utilisation des patios qui procurent un double bénéfice, faisant entrer plus de lumière de jour, tout en contribuant à maîtriser les températures. Un tel système de patios combiné avec de l’isolation permet, à ses dires, d’éviter le recours à des moyens mécaniques de chaud et du froid. Soit plus de lumière, moins de climatisation.

Sans doute, ce modèle d’hôpital durable est qualifié de fort encourageant, laissant prévoir des indicateurs de santé hauts en couleur et des services de soins de qualité. C’est-à-dire un milieu sanitaire d’où le patient et le médecin tirent le meilleur parti.

Auteur

Kamel FERCHICHI