Humeur – Gestion hydrique en Tunisie : Briser le silence !
La Presse — La Tunisie souffre d’une difficulté persistante : celle de communiquer clairement en temps de crise. Nulle part cette faiblesse n’est plus sensible que dans la gestion de l’eau, ressource vitale et profondément liée à la stabilité sociale.
Alors que le pays fait face à un déficit hydrique structurel, une réalité qui accentue les tensions sociales, notamment à Gafsa et Kairouan, au point de justifier l’appui des Nations Unies pour la consolidation de la paix à travers le projet «Apaise-PBF», le discours officiel peine encore à produire l’effet de mobilisation nécessaire à une pleine prise de conscience collective.
Il persiste l’idée que la discrétion peut contenir l’inquiétude.
Or, dans un contexte de rareté, l’absence d’informations détaillées sur l’état des barrages, les quotas d’irrigation ou les critères de répartition tend plutôt à nourrir l’incompréhension, les interprétations divergentes et, parfois, un sentiment d’iniquité territoriale.
L’eau est une ressource finie. Gérer la rareté implique, avant tout, de partager l’effort et de l’expliquer.
L’urgence n’est pas uniquement de diversifier les sources, mais aussi de consolider la relation de confiance entre l’État et le citoyen, entre les régions, entre les espaces urbains et ruraux.
Cela suppose un changement de posture : une communication publique fondée sur la transparence, le réalisme et la cohérence.
Rendre accessibles les données hydrologiques, région par région, relier explicitement la question de l’eau aux choix de développement territorial, montrer que l’équité dans la gestion est un levier d’investissement et de paix sociale : autant de démarches susceptibles d’associer le citoyen à l’effort national de rationalisation d’une ressource essentielle.
Dans la même optique, l’éducation à la sobriété en lançant une grande campagne civique gagnerait à privilégier l’explication plutôt que l’injonction morale.
Il s’agit moins de contraindre que de faire comprendre les arbitrages difficiles qu’impose la rareté.
Prendre la parole, expliquer, contextualiser, écouter, et parfois même choquer : autant d’actes nécessaires pour éviter que l’espace informationnel ne soit occupé par des discours fragmentés ou contradictoires.
De la qualité de cette communication dépend aussi, en partie, la capacité du pays à gérer durablement son eau et à préserver sa cohésion sociale.