gradient blue
gradient blue
A la une Actualités

Filière oléicole: Un suivi présidentiel pour éviter le décrochage

Avatar photo
  • 17 décembre 17:45
  • 6 min de lecture
Filière oléicole: Un suivi présidentiel pour éviter le décrochage

Alors que la Tunisie enregistre l’une des plus importantes récoltes d’huile d’olive de son histoire, la filière évolue dans un contexte marqué par la baisse des prix et des contraintes structurelles persistantes. Une situation suivie de très près lors de la réunion tenue dimanche 15 décembre au Palais de Carthage sous la présidence de Kaïs Saïed.

La Presse — La récolte est exceptionnelle, mais le système montre ses limites. Notre pays fait face à une récolte oléicole sans précédent. Toutefois, entre les difficultés de stockage, le rôle affaibli des offices publics et le mécontentement des producteurs, la campagne oléicole 2025-2026 a mis en lumière les fragilités structurelles d’un secteur pourtant stratégique. Dimanche dernier, le Président de la République Kaïs Saïed a appelé à une mobilisation générale lors d’une réunion tenue au Palais de Carthage en présence de la Cheffe du gouvernement, Sarra Zaâfrani Zenzri, et du ministre de l’Agriculture, des Ressources hydriques et de la Pêche, Ezzeddine Ben Cheikh. La situation du secteur oléicole, bénéficiant d’une récolte exceptionnelle mais fragilisé par une forte baisse des prix et des dysfonctionnements structurels persistants, a été au centre de la rencontre.

Le rôle affaibli des offices publics

Face à cette situation, le Chef de l’État a insisté sur la nécessité de lever les obstacles auxquels sont confrontés les petits agriculteurs, notamment en matière de trituration, de stockage et de commercialisation. Il a appelé à la mobilisation de l’ensemble des acteurs publics et privés, à l’innovation de nouveaux mécanismes de soutien, à la mise en place de lignes de financement facilitées, à la recherche de nouveaux débouchés et à la fixation d’un prix de référence garantissant les droits des producteurs, dans un contexte de récolte record.

Soulignant le caractère stratégique de la filière, Kaïs Saïed a affirmé qu’il n’était pas envisageable de laisser les agriculteurs renoncer à la récolte des olives, qualifiée de richesse nationale. Il a rappelé que la sécurité alimentaire constitue un pilier de la sécurité nationale, appelant à des décisions rapides et sans hésitation lorsque l’intérêt national est en jeu.

La réunion a également permis d’aborder la situation de plusieurs offices publics créés au début des années 1960, dont le rôle s’est progressivement affaibli. L’Office national de l’huile (ONH), qui disposait en 1962 d’une capacité de stockage de 350.000 tonnes, ne dépasse aujourd’hui que 90.000 tonnes, contre 80.000 tonnes l’an dernier. Une évolution jugée insuffisante au regard des volumes produits, nécessitant une action rapide pour permettre à l’Office d’assumer pleinement sa mission de régulation.

C’est d’ailleurs dans ce cadre que le ministère de l’Agriculture a annoncé le lancement d’un programme de stockage de l’huile d’olive auprès des opérateurs privés, mis en œuvre par l’ONH. Une prime de stockage de 300 dinars par tonne sera accordée aux propriétaires d’huileries et aux exportateurs, tandis que les agriculteurs bénéficieront d’une prime de 330 dinars par tonne. Ce programme, décidé lors du Conseil ministériel restreint du 25 octobre 2025, prévoit le stockage de 100.000 à 150.000 tonnes d’huile d’olive, si nécessaire, pour une durée de trois mois.

Des exportations en hausse, des recettes en baisse

Les exportations tunisiennes d’huile d’olive ont enregistré une forte hausse en volume. Cette performance masque toutefois un net recul des recettes, conséquence directe de l’effondrement des prix à l’exportation, selon les données de l’Observatoire national de l’agriculture (Onagri).

Cette fragilité s’explique notamment par la prédominance persistante de l’huile exportée en vrac, qui représente près de 85 % des volumes, contre seulement 15 % pour l’huile conditionnée, à plus forte valeur ajoutée. En septembre 2025, le prix moyen de l’huile d’olive a ainsi chuté de plus de 46 % en glissement annuel, s’établissant entre 9,28 et 17,9 dinars le kilogramme selon les catégories. L’Union européenne demeure le principal marché de destination, absorbant 58 % des exportations tunisiennes, devant l’Amérique du Nord et l’Afrique. L’Espagne, l’Italie et les États-Unis figurent en tête des pays importateurs.

Ces constats rejoignent les conclusions du rapport parlementaire remis en septembre 2025, qui faisait état d’une production record de 340.000 tonnes pour la campagne 2024-2025, avec des prévisions atteignant 500.000 tonnes pour la saison 2025-2026. Le rapport alertait sur la vulnérabilité du secteur face à la baisse des prix, à la hausse des coûts de production et à l’absence d’une stratégie claire de valorisation et de conditionnement.

Un suivi au plus haut niveau

L’expert en politiques agricoles Faouzi Zayani a, de son côté, souligné dans ses déclarations aux médias la chute mondiale des prix de l’huile d’olive, en recul de près de 50% par rapport à la campagne précédente. Selon lui, la Tunisie ne dispose pas de leviers suffisants pour influencer les cours mondiaux et doit impérativement s’orienter vers l’exportation d’huile conditionnée et la diversification des marchés, notamment en Afrique et en Asie.

Sur le terrain, cette situation alimente un sentiment de découragement chez une partie des producteurs, en particulier les plus jeunes. Face aux contraintes économiques persistantes et aux mécanismes de fixation des prix jugés peu lisibles, certains envisagent une reconversion ou un retrait progressif de l’activité, illustrant les difficultés structurelles auxquelles la filière reste confrontée.

Dans ce contexte, l’intérêt porté par les plus hautes autorités de l’État à l’évolution de la filière oléicole traduit l’importance stratégique qui lui est accordée. Le suivi annoncé s’inscrit dans une démarche visant à accompagner la mise en œuvre des mesures engagées, en vue de renforcer la stabilité du marché et d’assurer la pérennité de la production

Avatar photo
Auteur

Samir DRIDI