gradient blue
gradient blue
A la une Culture

Compétition officielle — Il était une fois à Gaza des frères Nasser: Une mise en abyme tragicomique

  • 17 décembre 19:00
  • 4 min de lecture
Compétition officielle — Il était une fois à Gaza des frères Nasser: Une mise en abyme tragicomique

Au-delà des bombardements, de l’isolement de la bande de Gaza et de la précarité qui règne en raison du blocus qui sont monnaie courante depuis des années, le film montre comment faire du cinéma en temps de guerre avec la pénurie et l’enfermement où la question de survie prend une dimension essentielle.

La Presse — Il était une fois à Gaza, en compétition officielle de la 36e édition des JCC,  démarre comme un film de gangster avec tous les ingrédients qui vont avec le genre : drogue, chasse-poursuite et arrestations et puis, à mi-chemin, lorsque Oussama, le chef, est exterminé, son apprenti ou coéquipier Yahia rencontre par hasard un réalisateur qui le recrute pour jouer le rôle principal de son film. Et c’est là que le film prend un autre tournant et devient intéressant.

Au-delà des bombardements, et de l’isolement de la bande de Gaza et de la précarité qui règne en raison du blocus qui sont monnaie courante depuis des années, le film montre comment faire du cinéma en temps de guerre avec la pénurie et l’enfermement où la question de survie prend une dimension essentielle.

Dans cette situation absurde où la tension est à son paroxysme et où l’on a recours aux armes, Yahia, jeune étudiant, travaille chez Oussama, vendeur de falafels. Ensemble, les deux hommes montent un trafic de drogue qu’ils écoulent en dissimulant  la marchandise dans des pains pitas. Un policier corrompu arrête Oussama et le tue avec son arme. Yahia jure de venger son patron. Engagé pour jouer dans un film de propagande produit par le ministère de la Culture intitulé Le Rebelle, premier film d’action tourné à Gaza, certaines scènes tournent au chaos en raison du refus d’acteurs palestiniens d’endosser les costumes des soldats israéliens. Un tournage low cost où les armes utilisées sont réelles. Et le plateau de se transformer en champ de bataille. Les pistes sont brouillées et Yahia, chef de résistance dans Le Rebelle, utilise son rôle pour régler ses comptes avec le policier qui a tué son ami. Si le récit semple parfois confus, il prend tout son sens dans le parallèle qu’effectue le réalisateur entre le film sur la réalité de la vie quotidienne à Gaza et l’autre film sur le tournage d’une fiction sur la résistance. Ainsi, l’univers spacio-temporel de la diégèse est divisé en deux mais se confondent à la fin lorsque Yahia, en plein tournage du «Rebelle», se venge du policier venu le saluer et lui remettre un sandwich dans lequel il a fourré des comprimés de drogue. On assiste là à un double jeu entre les deux personnages. Cette fiction dans la fiction donne du caractère à Il était une fois à Gaza et le sauve de la platitude dans laquelle il aurait pu tomber. Ce parallèle accentue les lignes de démarcation entre la réalité et la fiction. Celles-ci se nourrissent l’une l’autre ou l’une de l’autre. Au-delà de l’aspect tragique de la situation, le film dégage de l’humour comme bouclier contre la morosité et l’anxiété d’un peuple terrorisé par tant d’années de guerre. Les acteurs ont endossé leur rôle avec justesse, notamment celui qui joue Yahia qui a réussi à se métamorphoser d’un jeune étudiant introverti en homme capable de surmonter sa peur et extérioriser sa furie contre l’injustice et la cruauté. Cette double facette a servi grandement au succès du film.

Auteur

Neila GHARBI