La chasse, sous nos cieux, n’est plus une activité saisonnière limitée dans le temps et dans l’espace, dont l’exercice est légalement soumis au droit de dame nature.
A défaut de contrôle, cette passion a fini par verser dans l’arbitraire et menacer l’équilibre de la biodiversité, mettant en péril la vie de milliers d’espèces sauvages, pourtant protégées. Sans scrupule, ces braconniers font leur loi.
La Presse — Dix-huit mille affiliés à la Fédération nationale des associations des chasseurs, dont aucun parmi eux n’a répondu à l’appel du Comité national de l’Union internationale pour la conservation de la nature Uicn— bureau Tunisie.
«On a, tant de fois, essayé, vainement, de les inviter à nous joindre pour la protection de nos espèces sauvages menacées de disparition, face à la prolifération du phénomène du braconnage qui prend de l’ampleur.
Mais, en vain, aucune réponse», rappelle Sarra Melki— Green Compass, membre à l’Uicn-Tunisie.
Démission collective !
Aussi n’est-ce pas bizarre de chercher à protéger ce qui est déjà protégé et par la loi et par les conventions internationales auxquelles la Tunisie est membre adhérent !
On est, alors, en droit de se poser la question suivante : Pourquoi la fédération des chasseurs refuse-t-elle encore de s’engager dans la défense de cette cause animale ? La conservation de nos écosystèmes biologiques est un souci associatif, chacun doit y mettre du sien.
Or, la fédération semble camper sur ses positions. Elle n’en fait qu’à sa tête. «Elle et nous— associations de protection— ne sommes plus sur la même longueur d’onde, alors que nous nous tenons prêts à coopérer ensemble pour y arriver», espère-t-elle encore.
Et la conférence tenue dernièrement sur «la chasse illégale, le braconnage et le commerce d’espèces sauvages en Tunisie», qui aurait dû réunir tous les intervenants sur un front défensif uni, avait même marqué l’absence de l’Etat, représenté par la Direction de gestion des forêts (DGF) au ministère de l’Agriculture.
Une attitude démissionnaire incompréhensible ! Ce qui illustre une certaine crise de gestion et de gouvernance du secteur de la chasse.
Composé du ministère de l’Environnement, ainsi qu’un collectif associatif, ce comité national de l’Uicn a fait état d’un constat alarmant : la chasse illégale gagne du terrain au vu et au su de tous, à laquelle s’ajoutent la situation critique de la faune sauvage et l’ampleur croissante du braconnage et le commerce illicite d’espèces protégées.
Et la liste rouge est longue : outarde, cerf de Barbarie, caméléon, fennec, oiseaux migrateurs et chanteurs du Cap Bon et du nord, sont autant d’espèces en proie à l’invasion des braconniers.
Faire prévaloir la loi
Et partant, vint l’initiative de projet d’appui au comité national- Uicn-Tunisie, financé sur trois ans par l’Uicn-Méditerranée, pour soutenir une batterie d’activités de sensibilisation et d’actions sur le terrain, dans la perspective de faire prévaloir la loi et signaler les infractions y relatives, afin de resserrer l’étau autour des contrevenants.
Ces violateurs de la vie sauvage ne connaissent rien à la chasse, sans pour autant savoir beaucoup sur le gibier, son nom ou la nature de l’espèce qu’ils voudraient capturer.
«On s’organise au sein de ce comité pour travailler en réseau, mieux agir pour la bonne cause animale et faire connaître la liste rouge des espèces sauvages en voie d’extinction», explique Rym Zakhama, enseignante chercheuse à l’université tunisienne et coordinatrice dudit projet.
D’ailleurs, l’évènement d’aujourd’hui (cette conférence de presse), initié par Green Compass, association membre de ce comité national, puise également dans le sens d’un plaidoyer associatif en faveur de ces espèces menacées.
«Au sens des articles 231 du Code forestier, 14 de la loi organique des associations et 14 de la loi antiterrorisme, le crime commis contre l’environnement peut être qualifié d’acte terroriste», indique Hedi Issa, cofondateur du comité national de l’Uicn-Tunisie et secrétaire général de l’Association «les Amis des oiseaux» (AAO).
Et d’ajouter que la lutte contre le braconnage et le commerce illégal des oiseaux en Tunisie fait partie des objectifs pour lesquels a été créée l’AAO, il y a maintenant 50 ans.
Il faut dire aussi que la question de la protection des oiseaux et de la conservation de leurs habitats constitue un de ses soucis majeurs.
«Plus qu’une force de proposition et de solution, on a également le droit d’ester en justice pour tout abus ou acte attentatoire à l’environnement et la sécurité de nos ressources naturelles…», affirme-t-il, arguant qu’il a une expérience dans ce domaine.
Un tel statut avancé lui permet de jouer un rôle clé dans ce plaidoyer.
Laxisme et manque de rigueur !
Mais a-t-on vraiment les moyens de cette guerre qu’on voudrait déclarer contre ce phénomène du braconnage et du trafic illicite de nos espèces sauvages protégées ?
Bien qu’il existe un arsenal juridique l’organisant, la chasse autorisée avait dérogé aux règles professionnelles en vigueur.
Abordant le volet juridique, Hekma Achour, experte en la matière, membre audit comité Uicn-Tunisie, avait pointé du doigt l’exercice aléatoire de la chasse et les mauvaises pratiques qui en découlent.
«Faute d’application des lois l’organisant, la chasse autorisée avait dérogé aux règles professionnelles en vigueur.
D’autant plus que les permis de chasse sont, malheureusement, octroyés suite à des formalités administratives aussi simples que banales, sans l’obligation de se soumettre à un examen de détention d’arme de chasse, ni une formation sur les saisons de chasse et la liste des espèces totalement protégées», déplore-t-elle encore.
Un tel laxisme des autorités ne profite qu’aux braconniers et trafiquants récalcitrants.
Pas si loin du regard de contrôle, le marché Moncef-Bey des animaux n’est qu’un exemple édifiant du commerce illégal des espèces sauvages, toutes catégories confondues.
Des enquêtes de terrain ont déjà confirmé la présence récurrente de caméléons vivants, de tortues terrestres, d’oiseaux protégés et bien d’autres espèces exotiques sans permis. Soit un marché parallèle où ce trafic tourne à plein régime, sans que personne n’ose lever le petit doigt.
Ainsi, la disparition progressive de ces espèces entraîne une perte de biodiversité irremplaçable.
Et pour cause ! Le Comité national de l’Uicn appelle à une mobilisation collective, plaidant pour la lutte contre le braconnage, tout en signalant des infractions, encourageant des pratiques responsables et protégeant les habitats naturels.