Kairouan : Le tourisme ne devrait plus se limiter à quelques clichés
La Presse —Le gouvernorat de Kairouan compte un grand nombre de sites délaissés, mal connus et non valorisés par les responables qui considérent que le atouts de Kairouan se limitent à la Grande Mosquéé Okba, au Mausolée Sidi Sahbi, aux bassins des Aglabides, à la tapisserie, aux makroudh, au keftaji et au cuivre.
Or, le tourisme archologique est une niche à explorer, surtout dans les délégations de Oueslatia et Ain Jloula, considérées comme étant des zones phares riches en antiquités romaines et byzantines tels les bassins, les amphithéâtres, les belles mosaïques, les banquettes de pierre, les citernes, les aqueducs, les ghorfas abritant encore des gravures rupestres.
En outre, les montagnes de Djebel Serj et Djebel Oueslatia cachent des sites archéologiques qui remontent au troisieme millénaire et pourraient intéresser les touristes, surtout les Chinois et les Japonais.
Et on a beau lancer des études, il y a quelques années, pour l’édification de circuits qui contribueraient à mieux faire connaître la diversuité du patrimoine archéologique de Aïn Jloula et de Oueslatia et charger même un bureau d’études en vue de l’élaboration d’un plan relatif à l’itinéraire et aux différentes composantes de ces circuits, ce qui permettrait de développer le tourisme culturel alternatif au tourisme de passage, mais rien n’a été fait jusqu’à nos jours.
Par ailleurs, il serait souhaitable d’encourager les visiteurs de tous les pays à séjourner plus longtemps dans le gouvernorat de Kairouan et à ne pas se contenter d’y passer quelques heures seulement.
Ainsi, on pourrait leur programmer une journée à Sayada (délégation d’El Ala) pour voir de près la cueillette des olives dans les différentes oliveraies où on constate la présence de jeunes femmes qui procèdent à la cueillette à l’aide de cornes naturelles pour éviter le plus possible la chute des feuilles. Et les hommes font le même travail sur des échelles, le tout agrémenté de chansons traditionnelles, de youyous et
de l’odeur du thé noir, dénotant le bonheur des uns et des autres.
Puis on passe aux séances de dégustation, de détente et de rencontre avec les touristes qui pourraient voir de près certaines traditions de transformation des olives en huile en recourant à l’ancienne méthode de presse mécanique à l’aide de meules tournantes, et ce, afin d’extraire l’huile Ennoudhouh au goût un peu piquant et aux vertus curatives.
Et à Aïn Jloula, on pourrait permettre aux visiteurs de se rendre dans les différentes unités qui produisent du miel de thym, d’eucalyptus et d’acacia.
Sans la zone d’El Gatranya, on pourrait apprécier les produits biologiques de haute qualité tels que les pistaches, les amandes, les plantes médicinales, etc.
Par ailleurs, à El Ala, à Bouhajla et à Sbikha, on peut programmer la visite d’un grand nombre d’artisanes qui tissent le margoum à domicile pour les revendre ensuite dans d’autres villes tunisiennes…
Le Musée national des arts islamiques de Rakkada, très peu visité et peu connu du public
A part cela, le Musée national des arts islamiques de Rakkada, situé à proximité du site archéologique, en lisière des ruines de palais anciens de 1.000 ans que les Fatimides ont construits au IXe siècle, est très peu visité par les touristes et même par les Tunisiens, peut-être à cause de son éloignement du centre-ville et de l’indifférence des agences de voyages quant à la nécessité de mieux faire connaître les trésors archéologiques de la Cité aghlabide.
Ainsi, on constate que ses 7 salles agréablement aménagées rendent compte du brillant passé de Kairouan et de ses villes princières annexes, exposant céramiques, monnaies, manuscrits anciens de la Mosquée Okba et du Coran sur parchemin, objets en bronze, en verre, en carreaux de faïence, lustres, mosaïques, somptueux spécimens de reliures en cuir rehaussées de décors floraux et géométriques.
Le charme de la porte de l’antichambre de la maqsoura de la Grande mosquée
Par ailleurs, on peut admirer au sein de ce musée la beauté de la porte provenant de la Grande mosquée Okba.
Constituée de deux battants et d’encadrement, cette grande porte rectangulaire est construite en bois de cèdre sculpté.
Elle est composée de plusieurs panneaux reliés par des montants saillants en bois richement sculpté d’un décor floral.
Dr Mourad Rammah, président de l’ASM de Kairouan, nous précise dans ce contexte: «Aux pommes de pin et calices se mêlent les tiges et les palmes larges et enroulées dont certaines ne manquent pas de symétrie.
On sent que ce répertoire décoratif commence à rompre avec celui du minbar de la Grande mosquée Okba et se rapproche de l’art fatimide d’Egypte, lui-même héritier de certains thèmes ornementaux abbassides.
Le décor des panneaux des battants des portes et leurs encadrements adjacents est plus simplifié et se limite à quelques motifs géométriques, dont certains semblent avoir été restaurés à l’époque hafside…».
En ce qui concerne le décor et la technique de fabrication de cette porte, Dr Mourad Rammah estime qu’ils sont parfaitement identique à ceux de la maqsoura édifiée par le prince ziride Al Mu’izz Ibn Badis : «En fait, certains ont cru qu’il s’agissait de la porte de la maqsoura de la Grande mosquée elle-même.
Mais de études qui ont pris en considération les dimensions des deux pièces, surtout du point de vue hauteur et en rapport avec l’absence de toute inscription calligraphique sur la porte, ont permis de conclure que celle-ci se trouvait à l’entrée d’une chambre adjacente à la maqsoura qui sert actuellement de salle d’audience à l’imam.
Ces données permettent de dater cette porte de la même époque que la maqsoura, à savoir le deuxième quart du XIe siècle J.-C.», ajoute Dr Rammah.