L’Etat face à la fracture familiale
IL est des fissures silencieuses qui précèdent les effondrements spectaculaires. L’effritement de la cellule familiale en est une. Longtemps cantonné à la sphère privée, ce malaise intime est aujourd’hui devenu un enjeu public majeur, tant ses répercussions débordent sur l’enfance, l’école, la rue et, à terme, sur la cohésion sociale elle-même.
Le fléau n’est ni ponctuel ni marginal : il s’installe, s’élargit et menace les fondations les plus fragiles de la société.
C’est dans ce contexte que s’inscrit l’atelier national tenu vendredi à Tunis pour renforcer le mécanisme de conciliation familiale.
Loin d’être un simple rendez-vous technique, cette rencontre traduit une prise de conscience politique : celle que la rupture conjugale, lorsqu’elle est mal accompagnée, devient une fracture durable pour l’enfant.
Et que l’intérêt supérieur de ce dernier ne peut rester un principe abstrait, invoqué après coup, mais doit être le point de départ de toute décision.
La famille, jadis refuge, est parfois devenue champ de tensions. Les conflits s’y cristallisent, la parole s’y rompt, et l’enfant, trop souvent, s’y trouve relégué au rôle de témoin muet, ballotté entre silences, procédures et rancœurs.
Dans ce climat, l’absence de médiation n’est pas neutre: elle fabrique de la fragilité, du décrochage, parfois de la violence.
Ce que la société ne répare pas dans la famille, elle le retrouve plus tard dans la rue.
La politique nationale de conciliation familiale vient précisément répondre à cette urgence.
En privilégiant la résolution amiable des litiges, en mobilisant travailleurs sociaux, juristes et acteurs institutionnels, l’État tente de restaurer ce qui peut l’être avant que la rupture ne devienne irréversible.
Il ne s’agit pas de nier les conflits, mais de les contenir, de les humaniser, de les inscrire dans un cadre où l’enfant cesse d’être une variable d’ajustement.
L’atelier organisé par le ministère des Affaires sociales, en partenariat avec l’Unicef, a fait un diagnostic lucide : les mécanismes existent, mais doivent être consolidés, coordonnés et plus accessibles.
L’enjeu n’est pas seulement administratif ; il est moral et civilisationnel. Protéger l’enfance, ce n’est pas seulement sanctionner après coup, c’est prévenir en amont.
A une époque où les repères se brouillent et où les liens se distendent, réhabiliter la conciliation familiale revient à défendre une idée simple mais essentielle : aucun progrès social ne se construit sur les ruines de l’enfance.
En s’attaquant à l’effritement familial, la Tunisie ne colmate pas une brèche ; elle renforce ses fondations.