L’État face à l’assiette des citoyens
La sécurité alimentaire ne devrait jamais être une parenthèse. Or, dans nos sociétés, elle surgit trop souvent à la faveur des fêtes, des campagnes exceptionnelles ou des scandales passagers, avant de se dissoudre de nouveau dans l’oubli administratif.
Pourtant, ce que nous consommons chaque jour — au coin de la rue, dans les commerces de quartier, ou sous l’enseigne clinquante d’un fast-food — engage bien davantage que notre appétit : cela engage notre santé, notre dignité et, à terme, la crédibilité même de l’État.
La conférence nationale des coordinateurs régionaux de l’Instance nationale de la sécurité sanitaire des produits alimentaires (Insspa), tenue mardi à Tunis, marque à cet égard une inflexion salutaire.
En dessinant les grandes lignes du plan d’action 2026, l’Instance affirme une conviction trop longtemps reléguée au second plan : la sécurité alimentaire n’est pas une opération ponctuelle, mais une discipline de tous les instants.
Elle doit irriguer les pratiques, façonner les comportements et s’installer durablement dans la culture collective.
Car le constat est connu de tous, même s’il est rarement formulé avec franchise : ce que l’on voit quotidiennement sur les étals, dans certaines boucheries improvisées ou dans des établissements de restauration rapide à l’hygiène douteuse, n’est guère rassurant.
La banalisation de l’approximation sanitaire est devenue un risque ordinaire, presque accepté. Or, l’ordinaire est précisément ce qui tue à petit feu : pas par le choc, mais par l’accumulation.
L’approche retenue par l’Insspa — intensification des contrôles, renforcement de la formation, écoute du terrain — traduit une maturité institutionnelle.
Elle reconnaît que la norme ne vaut que si elle est comprise, appropriée et appliquée. Plus encore, le programme de communication et de sensibilisation annoncé pour 2026 marque un tournant décisif : il ne s’agit plus seulement de sanctionner, mais d’éduquer; plus seulement de contrôler, mais de convaincre.
Faire de la sécurité alimentaire une culture, c’est accepter qu’elle commence bien avant l’inspection, et se prolonge bien après. Elle concerne le producteur comme le commerçant, le restaurateur comme le consommateur.
Elle suppose un État vigilant, certes, mais aussi une société exigeante, qui refuse de troquer sa santé contre la facilité ou le prix le plus bas.
Mais à tout prendre ? La sécurité sanitaire des aliments est un baromètre discret mais implacable de la modernité d’un pays.