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Huile d’olive – Tourisme : Faire d’un héritage agricole un projet d’envergure

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  • 29 décembre 17:15
  • 6 min de lecture
Huile d’olive – Tourisme : Faire d’un héritage agricole un projet d’envergure

Alors que la Tunisie affiche sa volonté d’intégrer l’huile d’olive à son offre touristique, l’enjeu dépasse largement la promotion d’un produit emblématique.

Il s’agit de savoir si le pays est capable de transformer un héritage agricole majeur en véritable projet d’avenir, créateur de valeur, d’emplois et de sens. Entre ambition affichée et nécessité de vision, la question n’est plus de communiquer, mais d’agir avec impact.

La Presse — La Tunisie entend intégrer l’huile d’olive à son offre touristique à travers un plan d’action à l’horizon 2026. Une commission de travail permanente a été mise en place à cet effet, à l’issue d’une réunion interministérielle tenue le vendredi 26 décembre, réunissant les ministères du Tourisme et de l’Agriculture.

Ont également pris part à cette rencontre des représentants des institutions nationales concernées (Ontt, ONH, Apia), des organisations professionnelles (Utica, Ftav, FI2T), ainsi que des acteurs de l’hébergement rural.

L’initiative s’inscrit dans la continuité d’expériences pilotes menées à Chaâl, Enfidha et Bizerte, où des circuits immersifs autour de la récolte et de la transformation de l’olive ont rencontré un intérêt notable auprès des visiteurs.

Routes de l’olive et tourisme agricole durable

Le plan d’action 2026 prévoit la création de «routes touristiques thématiques» dédiées à l’olive, l’organisation de festivals régionaux et l’aménagement d’espaces d’exposition permanents dans les zones touristiques.

Produit phare de l’agriculture tunisienne — couvrant près de 40% de la superficie agricole du pays et plaçant la Tunisie parmi les premiers producteurs mondiaux — l’huile d’olive est appelée à devenir une véritable ambassadrice du patrimoine alimentaire national.

Les participants ont souligné le rôle du tourisme agricole dans la diversification de l’offre touristique, la valorisation des terroirs et le soutien aux revenus des agriculteurs. Les expériences pilotes, jugées concluantes, devraient ainsi être étendues et institutionnalisées à l’échelle nationale, dans une logique de développement régional et de création d’emplois.

Une notion à clarifier

Reste toutefois une question centrale : que signifie concrètement «intégrer l’huile d’olive à l’offre touristique» ? S’agit-il d’inciter les hôtels à utiliser systématiquement l’huile d’olive tunisienne dans leur restauration ? De créer des espaces de vente au sein des unités hôtelières ?

D’organiser des dégustations, des visites d’huileries, des ateliers pédagogiques pour les touristes ? Ou d’aller plus loin en structurant de véritables expériences touristiques autour de la filière, de la production à la table ? À ce stade, les contours du projet demeurent flous. Or, l’expérience montre que même lorsqu’un seul département est maître d’œuvre d’un programme, les problèmes de coordination interne peuvent en freiner la mise en œuvre. 

Lorsqu’un projet implique deux ministères, le risque de dispersion, de chevauchement des compétences et de dilution des responsabilités se trouve considérablement amplifié.

De la vitrine à l’expérience : changer de paradigme

Une approche véritablement innovante serait de positionner l’huile d’olive tunisienne comme un marqueur d’expérience touristique, à l’instar du vin dans certaines destinations européennes, notamment en France.

Cela passerait par la création d’un label «Olive Experience Tunisia», attribué aux hôtels, maisons d’hôtes et restaurants respectant un cahier des charges précis : usage exclusif d’huile d’olive tunisienne extravierge, traçabilité affichée sur les menus.

De plus, l’initiation du personnel à la dégustation, c’est-à-dire la formation du serveur et du maître d’hôtel, permettrait non seulement de répondre avec précision aux questions des clients sur l’huile d’olive et d’éviter toute erreur liée à un manque de connaissances, mais également de savoir raconter l’histoire du produit et de le mettre en valeur auprès des visiteurs. 

L’objectif ne serait plus seulement de consommer de l’huile d’olive, mais de la comprendre, de l’identifier et de l’associer durablement à l’image du pays.

Une telle démarche permettrait d’éduquer le touriste, de valoriser les producteurs vertueux et de créer une différenciation forte de la destination Tunisie sur les marchés internationaux.

Plus audacieux encore, l’huile d’olive pourrait devenir un outil de diplomatie touristique et économique, intégré aux grands événements, aux congrès internationaux et aux circuits Mice. 

Des coffrets d’huiles d’olive de terroirs distincts, accompagnés de contenus numériques (QR codes renvoyant à des vidéos, des cartes interactives ou des récits de producteurs), pourraient être offerts aux visiteurs comme prolongement de l’expérience vécue en Tunisie.

Cette stratégie transformerait le touriste en ambassadeur du produit une fois rentré chez lui, tout en créant un pont concret entre tourisme, agriculture et exportation. 

À condition, là encore, que la démarche soit structurée, qualitative et pensée à long terme, et non réduite à une opération de communication sans lendemain.

Penser l’impact, dépasser l’affichage

Au-delà des annonces, ce type de projet gagnerait à être pensé en termes d’impact réel et mesurable. Quel sera l’effet sur les revenus des agriculteurs ? Sur la consommation locale d’huile d’olive de qualité ? Sur l’expérience touristique elle-même ? Et surtout, comment inscrire cette démarche dans une vision plus large, capable de positionner la Tunisie comme une destination de tourisme gastronomique et agricole à forte valeur ajoutée ?

Ce qui fait souvent défaut dans les politiques publiques, ce n’est pas l’intention, mais l’audace. Voir grand supposerait de dépasser les actions ponctuelles et symboliques pour structurer une véritable chaîne de valeur : labellisation claire, traçabilité, formation des professionnels du tourisme, intégration dans les circuits de promotion internationale, et articulation avec l’exportation et la diplomatie culinaire.

L’huile d’olive tunisienne mérite bien plus qu’un rôle décoratif dans l’offre touristique. Elle pourrait devenir un véritable moteur, capable de lier terroir, savoir-faire et expérience touristique.

Mais pour cela, il ne suffit pas d’afficher des intentions, il faut une gouvernance claire, une vision ambitieuse et une volonté tangible de transformer ce patrimoine agricole en levier durable.

Si la Tunisie relève ce défi, elle ne se contentera pas de montrer son huile aux visiteurs, elle les fera vivre, comprendre et partager son héritage, ouvrant la voie à une reconnaissance internationale et à une dynamique économique qui dépasse largement le cadre touristique.

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Auteur

Hella Lahbib