Atuge – Diaspora tunisienne : Comment reconquérir les talents expatriés ?
Entre attachement au pays et obstacles persistants, le retour des compétences tunisiennes expatriées reste un défi majeur. Une étude restituée lors d’un atelier organisé par l’Atuge met en lumière les aspirations, les freins structurels et les leviers à activer pour transformer la diaspora tunisienne en un moteur durable de développement économique et social.
La Presse — Entre potentiel stratégique et freins persistants, la question du retour des compétences tunisiennes expatriées demeure au cœur des enjeux de développement économique et social du pays.
Dans un contexte marqué par l’intensification de la mobilité internationale des talents et par la concurrence accrue entre Etats pour attirer les compétences qualifiées, la Tunisie peine encore à transformer sa diaspora en véritable levier de croissance.
C’est dans cette perspective que l’Association tunisienne des grandes écoles (Atuge) a organisé récemment un atelier de restitution consacré à l’étude sur la feuille de route de l’attractivité de la Tunisie pour sa diaspora.
Un potentiel réel, mais fragile
Cette étude s’inscrit dans le cadre du projet Thamm-Ofii, financé par l’Union européenne et mis en œuvre par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii). Elle vise à identifier les principales opportunités et contraintes liées au retour — partiel ou définitif — des compétences tunisiennes expatriées, tout en favorisant un dialogue constructif avec les acteurs institutionnels, économiques et sociaux autour des conditions d’une mobilisation durable des Tunisiens du monde.
Menée auprès d’un échantillon représentatif de 1.041 Tunisiens résidant à l’étranger, l’enquête dresse un diagnostic nuancé. Les résultats révèlent que 59 % des répondants n’envisagent pas un retour en Tunisie, traduisant une forme de prudence, voire de désenchantement, face au contexte actuel. En revanche, 20 % expriment un souhait clair de retour, tandis que 21 % se disent ouverts à cette possibilité, sans projet encore formalisé.
Ces données mettent en lumière un potentiel réel mais fragile, fortement conditionné par l’évolution de l’environnement économique, institutionnel et social.
Les motivations au retour sont avant tout d’ordre familial, citées comme le principal moteur par 34 % des personnes favorables à un retour. A cela s’ajoutent le désir d’entreprendre ou d’investir en Tunisie, exprimé par 24 % des répondants concernés, ainsi que le projet de retraite au pays, évoqué par 21 %.
Ces aspirations traduisent un attachement persistant à la Tunisie, à la fois affectif, identitaire et économique, que le pays peine toutefois à capitaliser pleinement.
En parallèle, les obstacles identifiés restent nombreux et structurels. L’étude met en évidence le manque d’opportunités d’emploi attractives, des niveaux de rémunération jugés insuffisants, la rigidité du marché du travail, ainsi que les difficultés liées à l’entrepreneuriat et à l’accès au financement.
La lourdeur des procédures administratives, le déficit d’information, la complexité des règles bancaires et de change, de même qu’un environnement fiscal perçu comme peu incitatif, figurent également parmi les principaux freins. A ces contraintes s’ajoutent des préoccupations relatives à la qualité de la vie, notamment en matière de santé, d’éducation, d’infrastructures et de sécurité.
Mobilisation durable et structurée des compétences
Face à ces constats, l’étude propose une feuille de route opérationnelle articulée autour de plusieurs axes stratégiques. Elle recommande, notamment, de renforcer l’attractivité économique du pays, de faciliter l’accès aux marchés et au financement, de créer des mécanismes dédiés aux projets portés par la diaspora, d’améliorer le cadre fiscal et réglementaire, mais aussi de simplifier et digitaliser les procédures administratives.
L’amélioration des conditions de vie, l’assouplissement des règles bancaires et de change, ainsi que la mise en place de mécanismes de protection sociale transférable apparaissent également comme des leviers essentiels pour restaurer la confiance.
L’atelier de restitution a permis d’engager un échange approfondi entre institutions publiques, acteurs privés et représentants de la diaspora sur la pertinence des mesures proposées et les modalités concrètes de leur mise en œuvre.
Au-delà de la seule question du retour physique, l’étude plaide pour une mobilisation durable et structurée des compétences tunisiennes à l’étranger, appelées à devenir un acteur central du développement, de l’investissement et de la transformation économique et sociale de la Tunisie.