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“Belle de Nuit” : un coup de poing cinématographique contre l’indifférence

  • 31 décembre 12:28
  • 4 min de lecture
“Belle de Nuit” : un coup de poing cinématographique contre l’indifférence

Le film tunisien “Belle de Nuit” (Nawar), réalisé par Khedija Lemkecher, sera présenté en avant-première le 2 janvier 2026 au Cinéma Le Colisée.  L’œuvre, dont le titre original est “Nawar”, a déjà rencontré un écho international, ayant été sélectionné en compétition officielle internationale au Festival International du Film de Kinshasa en 2024. 

Elle a également remporté le prix de la meilleure réalisation au Festival International Cinéma et Migration d’Agadir, ainsi que le prix spécial du jury pour la meilleure interprétation masculine.

La réalisatrice a récemment exposé sur les ondes de RTCI  les fondements et les ambitions de son long-métrage. L’inspiration première lui est venue du destin d’une athlète éthiopienne disparue en mer Méditerranée, un drame qui a orienté son regard vers les sportifs individuels du continent africain, souvent invisibles et marginalisés malgré leur talent. Elle a souhaité rendre hommage à la Fédération Tunisienne de Boxe et à ses champions, évoquant notamment la salle mythique de la rue Jugurtha à Tunis, plus que centenaire, où une partie du tournage a eu lieu.

Hay Hlel, un quartier personnage

Le film s’ancre dans le quartier de Hay Hlel, en bordure de Tunis, décrit par la cinéaste comme un lieu de misère urbaine pourtant riche d’une humanité et d’une énergie singulières. Elle y voit un personnage à part entière, caractérisé par un temps mortel, une forme d’ennui profond qui obsède une jeunesse en suspens. Khedija Lemkecher a passé près de quatre ans à apprivoiser ce quartier et ses habitants avant d’y tourner, afin d’établir une relation de confiance et de dépasser les clichés misérabilistes. Elle insiste sur la présence de talents multiples, sportifs et artistiques, dans ces zones marginalisées, qu’elle compare à des belles de nuit, ces fleurs qui ne s’épanouissent que dans l’obscurité et passent inaperçues le jour.

La boxe, métaphore d’un combat vital

Le récit suit la relation entre un jeune boxeur talentueux, Yahya, habité par le rêve obsessionnel et périlleux du départ, et son entraîneur Joe, figure de transmission et de résistance, malade et tenace. La réalisatrice présente leur lien comme étant à la fois celui d’un coach et de son champion, mais aussi d’un père et de son fils, dans un contexte familial marqué par l’absence et le silence. La boxe y est filmée moins comme un spectacle que comme une métaphore du combat de la vie, un langage du corps qui supplée aux mots.

Sur la question sensible du départ clandestin, Khedija Lemkecher affirme avoir voulu éviter le sensationnalisme. Le phénomène migratoire n’est pas le centre géographique du film, mais plutôt la manifestation ultime et tragique d’un rêve devenu mortifère. Le film bascule ainsi, selon ses dires, vers le thème de la disparition en mer et de l’impossible deuil pour les proches, une quête à la fois physique et philosophique.

La perception internationale de l’œuvre, saluée dans plusieurs festivals, a mis en lumière, selon la réalisatrice, la différence de regard porté sur la migration entre les deux rives de la Méditerranée. Elle note que les publics et les critiques d’Afrique du Nord saisissent des références et des symboliques, comme celle du lys, qui peuvent échapper à d’autres, soulignant ainsi une histoire et des sensibilités partagées.

Un coup de poing cinématographique

À quelques jours de l’avant-première tunisienne du 2 janvier 2026, Khedija Lemkecher dit souhaiter partager ce film avec ceux qui ont contribué à sa réalisation, notamment les membres de la communauté de la boxe et les habitants de Hay Hlel, tout en laissant le public local se forger sa propre impression. La réalisatrice définit finalement son film comme un coup de poing, visant à transmettre un malaise nécessaire face à une réalité sociale souvent banalisée.

Auteur

S. M.