En 2025, la Tunisie a montré sa capacité à résister aux turbulences économiques et internationales. Une croissance maîtrisée, une inflation en recul, un excédent budgétaire et des réserves en devises confortables dessinent un tableau encourageant, tandis que le secteur agricole, le commerce extérieur et les transferts de la diaspora apportent un souffle positif.
Pourtant, la persistance du chômage, les tensions fiscales et les incertitudes géopolitiques rappellent que le chemin vers la stabilité et la souveraineté économique reste semé d’embûches.
La Presse — À la faveur d’une récolte agricole relativement bonne, une saison touristique qui rappelle des niveaux d’avant la crise Covid et des transferts en devise de la diaspora en progression continue, la Tunisie, qui a également honoré sa dette pour l’exercice 2025, et réalisé un excédent budgétaire de plus de 655 millions de dinars, fait preuve d’une certaine résilience, malgré la persistance de certains défis structurels et les incertitudes liées au contexte international.
La prudence continue de prévaloir
En effet, avec un taux de croissance de 2,4 %, une inflation ramenée à un taux inférieur à la barre symbolique de 5 % (tendance baissière confirmée), des réserves en devises couvrant 108 jours d’importation — malgré un déficit courant qui se creuse à 20 milliards de dinars contre 16 une année auparavant — la prudence continue de prévaloir, comme l’illustre le taux directeur de la BCT, révisé une seule fois à la baisse en mars 2025, de 8 % à 7,5 %.
Pour autant, c’est une embellie, s’accorde-t-on à dire, traduite par une révision à la hausse de la note souveraine de la Tunisie par les agences de notation Fitch et Moody’s, respectivement à « B- » et « CAA1 » avec des perspectives stables, ce qui permettrait à la Tunisie de sortir à nouveau sur les marchés de capitaux avec des arguments plus confortables.
Sur le plan social, le taux de chômage demeure, en revanche, élevé (plus de 15 %), des pressions fiscales et inflationnistes continuent de peser sur le marché, ce qui a amené l’Exécutif à prendre de nombreuses mesures, à l’occasion des débats budgétaires, pour instaurer une meilleure équité fiscale et sociale et réduire les disparités entre les plus aisés et les plus démunis. Une loi spécifique a été adoptée pour intégrer les demandeurs d’emploi dont le chômage n’a que trop duré.
Un contexte international mouvant
Au niveau international, le coup fatal reste l’augmentation des tarifs douaniers infligée par les Etats-Unis à la quasi-totalité des économies mondiales, en l’occurrence l’Union européenne et la Chine.
Dans cette tourmente, la Tunisie a vu ses exportations taxées de 25 % supplémentaires dès le mois d’avril. Au regard des échanges commerciaux entre la Tunisie et les Etats-Unis qui ne dépassent pas les 2,4 % de l’ensemble du commerce extérieur tunisien, l’impact de ces mesures n’est que limité.
Toutefois, cette majoration, dont l’évaluation exhaustive n’est pas encore établie, a touché des secteurs vitaux sur lesquels la Tunisie compte beaucoup pour améliorer ses chiffres à l’export et diversifier ses marchés, en l’occurrence l’huile d’olive. De façon indirecte, les nouvelles taxes douanières visant le marché européen, 10 %, devraient avoir un effet de ralentissement sur plusieurs secteurs, dont celui de l’industrie automobile, un des fleurons de l’industrie européenne. Le secteur, déjà mis à mal par la concurrence chinoise, intéresse directement la Tunisie, fournisseur de composants automobile de nombreuses marques…
Au fait, pour le marché européen qui couvre plus de 70 % des échanges tunisiens, les taxes américaines ne constituent qu’une partie des soucis. Le problème majeur pour le vieux continent demeure l’incertitude géostratégique liée à la guerre en Ukraine, les économies européennes consacrant, d’ores et déjà, jusqu’à 5 % de leur PIB à l’investissement dans l’armement, sur le compte de nombreux produits de confort importés.
Plus généralement, les taxes américaines ont déclenché une vague planétaire de protectionnisme et infligé un coup dur à la mondialisation. Aujourd’hui, tout est remis en question et sujet à révisions…
Un non-événement
Indépendamment des incertitudes conjoncturelles en Europe, la Tunisie avait déjà pensé à diversifier ses partenariats pour sortir de la coquille de sous-traitance qui avait montré ses limites. Le 17 juillet 2025, la Tunisie et l’Union européenne devaient célébrer le 30e anniversaire de l’accord de libre-échange, signé en 1995 et entré en vigueur progressivement 3 années plus tard. Toutefois, aucun événement majeur n’a été organisé à cette occasion, que des déclarations mitigées, certains considérant que l’accord était bénéfique, d’autres reconnaissant un déséquilibre flagrant en faveur du marché européen.
Des voix se sont alors élevées pour évaluer et réviser cet accord, en fonction du nouveau contexte. Le conseil d’association tuniso-européen qui devait avoir lieu fin octobre a été reporté sine die, à la faveur de révisions et d’évaluations. Sans doute, la Tunisie ne va pas se passer du partenariat européen, mais devrait en tirer davantage profit, à même de conforter la dimension sociale désormais un pilier de sa politique économique. De son côté, l’Union européenne ne peut ignorer les difficultés éprouvées par l’économie tunisienne, entre autres, au niveau du défi migratoire.
La question devrait marquer l’actualité dans un avenir proche. Un projet de loi organique en la matière a été déjà validé en conseil des ministres le 25 décembre et devrait être débattu par le Parlement.