La bonne dame farfouillait dans le tas. Elle cherchait visiblement quelque chose. Sa fille lui ramena ce qui semblait être une chemisette. Elle demanda le prix au gamin qui faisait office de vendeur (il aurait dû être à l’école !). Elle sursauta à la réponse du gamin et s’écria : «Mais qu’est-ce qui vous prend? Ce n’est plus possible. Mais c’est le prix du neuf !»
La Presse — Effectivement, les prix de la friperie ne sont plus aussi «populaires» qu’ils l’étaient. Nous avons pu le vérifier tout au long des étalages bien approvisionnés mais où peu de clients s’empressaient.
«Les prix ont augmenté madame, on n’y peut rien», répond le vendeur.
Vrai ou faux, il y a un problème dans ce secteur qui a toujours constitué une bouffée d’oxygène pour bien des foyers.
Cela date d’après la Seconde Guerre mondiale.
Les vêtements militaires de seconde main, ont commencé à affluer, ce qui a permis à bien des populations démunies de se vêtir. C’est le début de l’histoire de la friperie en Tunisie
C’est la famille Chemmam surnommée les «rois de la friperie», qui a introduit ce commerce, dont ils sont devenus les principaux animateurs.
Le secteur s’est progressivement structuré avec la création des sociétés de distribution Sotap à Tunis en 1962 et Sotapex, une immense usine à Sousse, en 1967. Ce secteur s’est organisé à la faveur du décret promulgué en 1995.
La friperie a ensuite connu une expansion fulgurante, qui vint concurrencer le secteur du prêt-à-porter.
La multiplication des entreprises a mis à mal ce créneau en enregistrant l’intervention de tous ceux qui pensaient pouvoir gagner de l’argent facile.
Depuis les années 2000, le secteur connaît un développement considérable.
On y trouvait «les belles affaires» grâce aux démarques des grandes maisons du prêt-à-porter internationales.
Il joue dès lors un rôle primordial pour les classes populaires et moyennes (et même aisées), en leur permettant de se vêtir à un coût abordable.
La friperie n’est plus une solution économique, mais aussi une tendance de mode à bon marché.
Forcément, comme dans tous les secteurs où il y a de l’argent, des problèmes de corruption et de travail informel existent. Au point de devenir anarchique, ce qui a influé sur la qualité.
Comment reprendre la situation en main. Les avis divergent et on ne semble pas près de trouver la solution avec la prolifération des intervenants.
«Cela finira par se décanter», nous précise un jeune exposant à Mélassine attentivement suivi par les hochements de tête d’un vieil homme qui semble être son père.
Seuls les vrais professionnels resteront en lice. Ceux qui sont venus pour gagner de l’argent facile ont faussé le marché. Le ralentissement économique que connaissent les pays européens à la suite du début de la guerre en Ukraine a amenuisé le tonnage des vêtements de seconde main ou usagés, et prix et qualité s’en ressentent.
«C’est la raison des augmentations de prix et du choix qui devient moindre. Il faudrait attendre la reprise économiques des pays source d’approvisionnement, dont les habitants se dessaisissent moins fréquemment de leurs habits».
C’est peut être là un début d’explication, mais tous ceux interrogés soutiennent que le secteur doit être sérieusement pris en main. Il y a trop d’intervenants qui n’ont rien à y faire et qui nuisent à la bonne tenue de ce secteur vital pour bien des Tunisiens.