L’intelligence artificielle suscite davantage de questions que d’enthousiasme en Tunisie. Selon une enquête menée par Emrhod Consulting en octobre 2025, les citoyens tunisiens affichent une posture attentiste face à cette révolution technologique dont ils perçoivent autant le potentiel que les dangers.
L’étude relayée par Express FM, dirigée par Nabil Bellâam et présentée lors d’un forum dédié aux transformations numériques, a interrogé 1 200 personnes sur leur perception et leur usage de l’IA. Le constat est sans appel : la familiarité reste superficielle. À peine 8 % des répondants utilisent ces outils de manière régulière et en comprennent les mécanismes. La majorité (55 %) dispose d’une compréhension élémentaire, tandis qu’un Tunisien sur cinq ignore totalement de quoi il s’agit ou se contente d’avoir entendu le terme sans en saisir la portée.
L’IA perçue comme moteur de recherche avant tout
Interrogés sur leur représentation de l’intelligence artificielle, les sondés associent massivement cette technologie à la recherche d’informations (63 %). Viennent ensuite l’optimisation des tâches du quotidien (27,7 %) et, de manière plus alarmiste, une menace pesant sur les capacités cognitives humaines (22 %). Les réseaux sociaux demeurent le vecteur principal de découverte de l’IA pour 43 % des personnes interrogées, les institutions éducatives jouant également un rôle significatif (38 %).
Le médecin reste plus crédible que l’algorithme
La confiance accordée à l’intelligence artificielle varie considérablement selon les domaines d’application. Dans le secteur médical, la préférence humaine demeure écrasante : 78 % des Tunisiens accordent plus de crédit au diagnostic d’un praticien qu’aux conclusions d’un système automatisé. Le tableau s’inverse dans des champs comme la traduction, où 70 % privilégient les solutions algorithmiques.
Cette confiance demeure globalement mesurée. Les deux tiers des répondants (68 %) se déclarent « modérément confiants », soulignant la difficulté d’évaluer les conséquences d’une technologie en perpétuelle mutation.
Une population majoritairement indifférente ou inquiète
Sur le plan émotionnel, l’indifférence domine : 43 % des Tunisiens ne manifestent ni engouement ni rejet particulier. L’inquiétude et l’anxiété concernent en revanche près d’un tiers de la population (32 %). La curiosité, elle, reste l’apanage d’une minorité (9 %), bien qu’elle grimpe à 41 % chez les personnes les plus éduquées et technophiles. L’enthousiasme et l’émerveillement demeurent marginaux, ne concernant respectivement que 7 % et 5 % des sondés.
Désinformation et destruction d’emplois en tête des préoccupations
Les craintes exprimées convergent vers plusieurs scénarios anxiogènes. La production de fausses informations et le brouillage entre contenus authentiques et artificiels préoccupent 57 % des répondants. Les détournements malveillants, la perte de créativité et l’accoutumance technologique figurent aussi parmi les risques identifiés. Une proportion significative (42 %) anticipe le remplacement massif de travailleurs par des systèmes automatisés dans un avenir proche.
Face à ces enjeux, le besoin d’encadrement fait consensus. Les participants réclament une législation explicite, une meilleure protection des données personnelles, une limitation de l’exposition des mineurs et un renforcement de la lutte contre la cybercriminalité.
Pour Nabil Bellâam, l’enjeu dépasse la simple adoption technologique : « L’intelligence artificielle représente une opportunité de développement, mais requiert impérativement une gouvernance responsable ». Le directeur d’Emrhod Consulting plaide pour l’élaboration d’une stratégie nationale équilibrant innovation technologique, considérations éthiques et accessibilité pour tous.