« Nous croyons que les images peuvent éveiller les consciences et inspirer le changement ; c’est pourquoi nous avons voulu faire du Septième art un outil de réflexion, de sensibilisation et d’espoir ».
La Presse — Le rideau s’est levé lors de la soirée du 11 novembre sur la 10e édition du Festival du film des droits humains, « Human Screen»-Dignity Tunisia.
Cet événement qui s’étale sur cinq jours est orchestré par l’Association culturelle tunisienne pour l’intégration et la formation. Il est consacré à la diffusion et à la défense d’une culture des droits humains par le cinéma. D’ailleurs, le festival a été le premier à introduire le cinéma dans les prisons et les centres de réhabilitation à travers des projections suivies de débats avec les détenus. Il est également l’un des premiers à concrétiser la décentralisation en rendant ses films accessibles dans différentes régions du pays.
« Nous croyons que les images peuvent éveiller les consciences et inspirer le changement ; c’est pourquoi nous avons voulu faire du septième art un outil de réflexion, de sensibilisation et d’espoir», souligne la directrice du festival, Mme Rym Ben Mansour
A la différence des précédentes, cette dixième édition n’est pas centrée sur un droit ou un thème spécifique, considérant que c’est un tout indivisible. La line up inclut 55 films dont 6 longs métrages, 17 courts métrages, 9 films documentaires longs et 13 courts ainsi que 10 films de dessins animés.
Les films projetés sont de 32 pays des quatre coins du monde, dont 16 pays arabes et d’autres nations telles que le Kenya, la Corée du Sud, le Canada, le Brésil, la Grèce, et bien d’autres encore, témoignant de la dimension universelle et inclusive du festival. Pour les documentaires, le jury est composé de l’universitaire et ancienne présidente d’Amnesty International Tunisie, Sondes Gharbouj, le réalisateur et producteur Chaker Bouajila et le journaliste, photographe et cinéaste Nidhal Azem.
Le jury de la catégorie Fiction comprend Hela Ben Saâd, membre de la Fédération tunisienne des cinéastes amateurs, Pilar Almenar, journaliste espagnole et directrice du Humans Fest, le Festival international du film et des droits humains de Valence, ainsi que le réalisateur et artiste visuel tunisien, Younes Ben Hajria.
La soirée d’ouverture a inclus un documentaire de 110 minutes réalisé par l’Iranienne Sepideh Farsi intitulé « Put your soul on your hand and walk ». Le film est axé autour des conversations de la réalisatrice avec Fatima Hassouna, une photo-journaliste de Gaza tombée en martyre suite à une frappe israélienne. Il a été présenté dans de nombreux événements prestigieux, dont le Festival de Cannes 2025.
La réalisatrice, qui parcourt le monde pour transmettre la voix de la photojournaliste gazaouie assassinée, a adressé une vidéo au festival dans laquelle elle explique son objectif : «rendre leur humanité aux Palestiniens» à travers son œuvre. Elle y déclare également : « C’est ma réponse, en tant que cinéaste, à une situation intolérable ».
Juste avant la projection, le public a été invité à assister à une performance musicale de Dorsaf Hemdani, « conçue spécialement pour le festival », comme cela a été annoncé et présentée comme « un moment de grâce et de réflexion ». On s’attendait donc à un répertoire en accord avec les thèmes et la dimension engagée de l’événement, d’autant plus que le talent vocal incontestable de Dorsaf Hemdani lui permet d’explorer une grande diversité de genres et d’émotions.
Or, après une reprise de « Sa narjiou yawman » de Fairouz et le générique du feuilleton « Yawmiat imraâ », la suite du programme s’est transformée en un bouquet de chansons rythmées, totalement décalées par rapport au message de l’événement engagé. Pour renforcer cette ambiance festive, le public a même été invité à accompagner l’interprète et à chanter en chœur « I Will Survive » de Gloria Gaynor, « Sahar El Layali » de Fairouz, « Samra ya Samra » et « Lamouni elli gharou meni » de Hédi Jouini.
Fallait-il vraiment instaurer cet univers joyeux juste après la projection d’un film sombre portant sur le génocide ? N’aurait-il pas été plus approprié de rester dans le même registre et de choisir des chants de résistance, ou du moins des chansons porteuses de sens et de message?
Après cette montée de dopamine, il a été difficile pour le public d’opérer une transition vers le pôle opposé et de se concentrer sur le documentaire. Beaucoup de spectateurs ont commencé à quitter la salle dès les premières minutes de la projection. La situation s’est aggravée avec les allées et venues du personnel qui se déplaçait devant l’écran pendant le film pour récupérer le matériel.
Ces détails d’organisation, cumulés les uns aux autres, s’ajoutent au fait que, tout au long de la soirée, il fallait à chaque fois chercher le personnel pour allumer ou éteindre les lumières ou encore pour arrêter les vidéos à la fin des projections. L’ensemble donnait l’impression d’un manque de coordination et d’une synchronisation défaillante. Pour un événement fondé en 2012 et qui accueille régulièrement des invités étrangers, on s’attendait à une soirée d’ouverture plus soignée et plus valorisante.
Le festival Human Screen se poursuit jusqu’au 15 novembre. Trois projections gratuites sont programmées chaque jour, de 14h30 à 19h00, autour de thématiques variées et profondément poignantes.
La cérémonie de clôture proposera une performance musicale placée sous le signe de la liberté et de l’égalité portée par la voix de la jeune rappeuse Faten Ben Khaled (FBK).