Blocage politique inédit : Ego, rien que de l’ego !

Conquête du terrain et de la proximité, hyperréactivité à l’événement, rhétorique, mise en scène de soi et autres, il existe mille façons de faire de la politique, mais pour nos responsables et nos hommes politiques, on préfère provoquer des querelles inutiles mais aussi multiplier les apparitions médiatiques devenues, en majorité, contre-productives.

Il s’agit certainement de la crise politique, sociale et économique la plus compliquée qu’ait connue la Tunisie depuis la révolution. Mettant en péril la stabilité du pays, sa présence diplomatique dans cette période pandémique, la crise révèle également l’incapacité de toute la classe politique à trouver le consensus et conduire le pays dans ces moments les plus difficiles.

Il semble que le scénario que tout le monde redoutait depuis 2011 commence à se profiler à l’horizon. Crise financière sans précédent, blocage politique inédit, absence de consensus, situation sanitaire tributaire de l’accès aux vaccins qui tarde toujours, la Tunisie n’aura jamais connu pareilles situations. Elle est malheureusement victime de l’absence d’une élite politique post-révolution capable de faire face à ce genre de moments exceptionnels. Tous les observateurs s’accordent sur le fait que les querelles politiques, la mauvaise gouvernance et les faux pas et décisions que nous avons enchaînés depuis les événements du 14 Janvier conduiront, sans aucun doute, le pays vers l’effondrement. Sauf que les appels et les avertissements, notamment ceux lancés par les économistes, sont restés sans réponse, alors que toute la classe politique sombrait dans des conflits politiques interminables.

En effet, le pays est en train de payer le prix cher des contre-performances politiques que multipliaient nos responsables et toute la classe politique, exposant le pays à de véritables risques d’effondrement des finances publiques et de déstabilisation sociale.

L’actuel blocage politique n’est qu’un exemple de plus illustrant l’incapacité de l’élite politique de prendre les rênes du pays. Alors que l’entêtement politique nous conduit à une crise inédite, Ennahdha part à la conquête de la rue dans une démonstration d’un spectacle déjà vu. Sauf que la Tunisie est aujourd’hui en pleine crise économique et sociale et ne pourrait pas faire face à la moindre déstabilisation. On ne peut pas, de ce fait, s’offrir le luxe de se hasarder dans de telles manœuvres politiques aux conséquences inconnues.

Autovictimisation

Ce qui explique aussi et surtout ce maigre bilan politique depuis 2011 n’est autre que l’ego des hommes politiques et de nos responsables. Alors que personne n’a voulu faire son mea culpa, on ne faisait qu’accuser ses adversaires politiques sans pour autant réviser ses propres positions et prestations politiques. C’est aussi ce qui explique l’effritement de plusieurs partis politiques post-révolution pris au piège de la divergence.

Certes, pour certains politiques, il est légitime de prétendre changer la société et faire émerger des idées nouvelles et advenir un monde meilleur qui présente un moteur suffisant. Sauf que cette volonté ne doit en aucun cas tourner à l’égocentrisme dont sont victimes nombreux de nos politiques et responsables.

Conquête du terrain et de la proximité, hyperréactivité à l’événement, rhétorique, mise en scène de soi et autres, il existe mille façons de faire de la politique, mais pour nos responsables et nos hommes politiques, on préfère provoquer des querelles inutiles mais aussi multiplier les apparitions médiatiques devenues, en majorité, contre-productives. En effet, les réseaux sociaux sont devenus les pires ennemis de nos responsables. Utilisés sans modération, à tort et à travers, ces plateformes sont devenues un moyen de mise en avant de l’image de soi et conduisent fréquemment à des usages ostentatoires pour nourrir davantage son ego.

Récemment, la crise de Tunisair et le limogeage de son ancienne PDG, Olfa Hamdi, ont mis à nu ce côté pervers de l’usage de ces plateformes. Accusée de mensonge, sur fond de son conflit avec l’Union générale tunisienne du travail, cette dernière est allée jusqu’à partager ses diplômes au grand public. S’adressant au secrétaire général de l’Ugtt, Noureddine Taboubi, Olfa Hamdi a publié sur le réseau Facebook les copies de ses diplômes accompagnés de son attestation de réussite au baccalauréat afin de démentir les accusations de falsification portées à son encontre.

Parmi les stratégies visant à séduire la foule, figure également celle qui repose sur l’autovictimisation.  En effet, dans la mesure où le titre de victime désigne, avant tout, un statut social, certains responsables et politiques se présentent sur la scène publique en victime, en s’appropriant les traits distinctifs de cette catégorie dans son contexte social. Cette pratique d’autovictimisation relève en effet de toute une stratégie politique visant à séduire et à s’adresser aux sentiments, aux émotions, plutôt qu’à la raison.

Toujours dans ce conflit opposant l’Ugtt à Olfa Hamdi, le secrétaire-général de la centrale syndicale, et ce n’est qu’un exemple, a puisé dans cette politique d’autovictimisation pour redorer son image. Lui qui affirme être la cible de menaces de mort a lancé, en effet, un appel aux émotions, d’autant plus que de nos jours, tous les personnages publics sont exposés à ce genre de menaces.

Au fait, ce que nous pouvons confirmer, c’est que le pays, outre les problèmes économiques et sociaux, est également victime du rendement de toute une classe politique et des responsables qui se sont succédé à la tête des postes clés. Aujourd’hui, cet entêtement, cet ego politique et ces caprices ne font qu’empirer la situation d’un pays livré à une crise multidimensionnelle inédite. Et c’est aussi ce genre de pratiques politiques qui visent à exporter les querelles politiques vers la rue, dans une manœuvre politique extrêmement risquée. Car, en effet, au lieu de se pencher sur les moyens de sortir de cette crise politique, certaines parties veulent l’exporter vers la rue déjà en effervescence.

Cette carence d’élite politique, due à de mesquins calculs partisans, est une faute politique doublée malheureusement d’une faute morale. Elle ne cesse de fragiliser la «transition démocratique» présentée comme un exemple à l’étranger. Quoi qu’il en soit, l’heure est à l’unité nationale, alors que pour certains observateurs, la Tunisie est déjà dans le gouffre.

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