Journée de sensibilisation sur l’assurance agricole : Comment rétablir la confiance entre l’agriculteur et le système d’assurance ?
La Presse —Sur les 450 mille agriculteurs inscrits à l’Utap, seuls 7% sont assurés, alors que les risques agricoles ont évolué au fil des années, entre autres, avec les changements climatiques, le progrès technologique et les incertitudes économiques, pour ne citer que ces éléments majeurs.
C’est l’une des idées clés véhiculées à l’occasion d’une journée de sensibilisation tenue hier à Tunis sur le thème : «L’assurance agricole, pilier de la sécurité alimentaire nationale», organisée par Pro-Assur, une société de conseil et de courtage en assurances et réassurances, en partenariat avec l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (Utap) et sous l’égide du ministère de l’Agriculture.
«Nous avons un système d’assurance agricole, mais il n’est pas moderne», a déclaré Adel Chabbi, directeur général de Pro-Assur, pointant une crise de confiance entre l’agriculteur et le système d’assurance, pourtant important pour la sécurité alimentaire et la stabilité des opérateurs dans ce secteur «stratégique».
Il a également affirmé que cette journée constitue le point de départ d’un processus général visant à mettre en place un système «juste et équitable», en cohérence avec les changements climatiques et technologiques.
«Des journées de sensibilisation régionales auront lieu à travers le pays, en coopération avec l’Utap, afin de présenter l’assurance agricole comme moyen de protection et non pas comme charge supplémentaire», a ajouté M. Chebbi.
A l’heure actuelle, le dispositif géré par l’Etat, en l’occurrence le Fonds d’indemnisation des dommages agricoles causés par les calamités naturelles (Fidac), ne couvre que les dommages causés par les catastrophes naturelles et à hauteur de 60% uniquement. De plus, il ne couvre que les agriculteurs ayant cotisé.
Or, «en cas de sinistre évalué à 1 million de dinars, qui va couvrir les 400 mille dinars restant?», s’est interrogé Adel Chebbi.
La couverture actuelle n’est donc pas suffisante, reconnaît-on à l’occasion de cette journée. D’où le rôle des assurances pour développer des produits spécifiques à chaque risque, à même de rétablir le sentiment de sécurité chez l’agriculteur, «un sentiment très important pour l’investissement agricole», selon Mehdi Khlas qui s’exprimait au nom du ministre de l’Agriculture, Ezzeddine Ben Cheikh, qui devait assurer l’ouverture mais a eu «un empêchement de dernière minute».
Lorsque l’agriculteur se sent en sécurité, entre autres, par un remboursement adéquat à temps, il peut continuer son activité et même investir davantage, a-t-il expliqué. «Autrement, il peut rapidement décrocher…»
Les risques agricoles énumérés à l’occasion de cette journée ne se limitent pas aux aléas climatiques. Il y a également les risques de production, les risques biologiques et les maladies, les risques économiques comme par exemple le prix de vente sur le marché qui obéit à la règle de l’offre et de la demande et qui n’est pas forcément bénéfique à l’agriculteur.
Il y a lieu, ainsi, de développer de nouveaux produits d’assurance agricole…
«Il est même question d’assurer l’agriculteur lui-même, sinon qui va travailler, par exemple, lors des semailles ou des récoltes ?», s’est interrogé Adel Chebbi, en réponse à une question de La Presse.
Il a également souligné l’importance de conclure un «bon contrat» d’assurance en insistant sur «la rapidité du remboursement en cas de sinistre comme facteur de confiance», car parmi les anomalies des pratiques en cours, figure «l’incertitude et les retards liés au remboursement suite à un sinistre» et qui se traduisent par une perte d’exploitation, elle-même source de réticence au niveau de l’investissement.
Selon les organisateurs de l’événement, la sensibilisation couvrira d’abord trois gouvernorats pilotes avant une généralisation à partir de 2027.
Le but consistera en 2026 à assurer 25% des adhérents de l’Utap avec l’ambition d’atteindre une couverture totale, à terme, avec l’adoption, entretemps d’une juridiction spécifique.
La réalisation de ces objectifs, convient-on, nécessite l’implication des différents intervenants, privés, publics et de la société civile.