Symphonie du Club Africain à Oudhna : Des tribunes à l’orchestre
Les musiciens porteurs des traditions musicales classiques remettront de nouveau leurs écharpes de supporters ce samedi, mais loin des colonnes dorées. Ils ont opté cette fois pour un espace ouvert bien plus vaste, pouvant s’adapter à un flux plus important de fans et cadrer cette énergie brute.
La Presse — Imaginez un concert de musique réunissant des milliers de fans pour une soirée où se croisent les notes symphoniques, soit un vrai orchestre en live, et les chansons de virage ultra populaires. A première vue, ça semble drôle, même absurde. Pourtant, c’est bien réalisable, et ce n’est même pas une première !
La Symphonie du Club Africain revient pour une seconde représentation ce samedi 6 septembre, mais cette fois à l’amphithéâtre d’Oudhna situé à seulement 30 km de Tunis.
Le premier concert s’est déroulé à guichets fermés au Théâtre municipal de Tunis le 18 mars dernier, au grand bonheur des fans du Club Africain. L’orchestre et la Chorale Les Solistes de Mégrine ont joué sous la baguette du maestro Achref Bettibi qui est derrière cette initiative originale. Pour lui, entre chant lyrique et chant de virage, il n’y avait qu’un pas à franchir.
En effet, le principe est de reprendre des hymnes de stades bien connus avec un arrangement pour orchestre, mettant ainsi instruments et choristes au service de la tribune. Le résultat est une fête bruyante, avec la ferveur déchaînée de la foule, reproduisant presque l’ambiance des gradins. Une explosion de sons et d’émotions que le Théâtre municipal de Tunis a eu du mal à contenir.
Les musiciens porteurs des traditions musicales classiques remettront de nouveau leurs écharpes de supporters ce samedi, mais loin des colonnes dorées. Ils ont opté cette fois pour un espace ouvert bien plus vaste, pouvant s’adapter à un flux plus important de fans et cadrer cette énergie brute.
Avec une capacité d’accueil d’environ 15 mille spectateurs, le site archéologique d’Oudhna, ou Uthina, est l’un des plus grands amphithéâtres en Tunisie, après celui d’El Jem. Il est situé dans les vestiges d’une cité romaine fondée à la fin du premier siècle avant J.-C. Le site est inscrit sur la liste indicative du patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2008. Il est de plus en plus intégré dans les agendas culturels surtout qu’il a accueilli cet été la première édition du Festival international des Arts populaires.
Sous la voûte du ciel d’Uthina, cinq mille spectateurs sont attendus pour la Symphonie du Club Africain. Les billets sont proposés aux prix de 40, 50 et même 100 dinars. Trois voix de solistes promettent d’enchanter le public, Yomna Msehli, Isra Ben Slimane et Maïssa Jouini. Il y aura également six membres de la Chorale Arabesque de Médenine qui feront un long trajet et rejoindront les autres artistes par amour pour leur équipe préférée.
Dans ce concert à la croisée de la culture et du sport, la frontière entre la musique symphonique et les matchs s’effacera et l’intensité des émotions vécues jadis sur les gradins sera transposée dans un nouveau contexte entre posé et exalté, entre philharmonique et fanatique.
Le maestro Achref Bettibi aspire par cette idée inédite à concilier sa passion pour la musique savante avec la magie des tribunes. Il s’agit de dépoussiérer le répertoire symphonique souvent considéré comme élitiste en le sortant de ses cadres traditionnels pour rencontrer un nouveau public. Il sera alors plus accessible et plus vivant dans une atmosphère complètement décontractée.
De plus, cet événement permettra de drainer une foule éclectique réunie autour de l’appartenance à un membre club sportif, mais qui prendra certes le temps d’explorer l’endroit historique et d’apprendre davantage sur son passé impressionnant. Préserver un site archéologique et le valoriser commence en effet par le faire découvrir et pourquoi pas le relier à des moments partagés mémorables.
L’arrivée de ces visiteurs nombreux dynamisera la ville et lui insufflera une nouvelle énergie. Il inspirera peut-être d’autres projets culturels, d’autres circuits qui attireront les mélomanes, les amateurs d’histoire et les curieux tunisiens ou étrangers.