La question de la semaine : Pourquoi l’éducation est aussi une question économique ?
La Presse — « L’éducation est l’arme la plus puissante que l’on puisse utiliser pour changer le monde », disait Nelson Mandela. De toute évidence, l’éducation, l’un des piliers du développement humain, constitue le tremplin des sociétés vers la prospérité. Miser sur l’éducation pour tous a été d’ailleurs l’une des premières batailles remportées par la Tunisie.
A la veille de l’indépendance, les inégalités en matière d’enseignement étaient énormes et le taux d’analphabétisme dépassait 84 %, touchant presque la quasi-totalité des femmes. Aujourd’hui, ce taux, en baisse continue, est passé à 17 %, tandis que celui de la scolarisation atteint près de 80 % pour les jeunes âgés de 6 à 24 ans. C’est un premier pari gagné, désormais un acquis. Vers la fin des années 1980 et le début des années 1990, la Tunisie a poursuivi la voie des réformes afin de moderniser son système éducatif et de chercher une meilleure adéquation entre la formation et le marché de l’emploi.
Mais le décalage entre la qualité de l’éducation dispensée et les besoins d’une société moderne, ouverte sur le monde contemporain, ainsi que ceux d’un marché de l’emploi soumis aux règles de l’économie de marché, s’est rapidement fait ressentir et n’a cessé de se creuser. L’une des illustrations les plus édifiantes de ce constat demeure l’enquête Pisa (Programme international pour le suivi des acquis des élèves), initiée par l’Ocde.
En évaluant la capacité des élèves de 15 ans à mobiliser leurs connaissances (sciences, compréhension de l’écrit et mathématiques) pour participer activement à la vie dans le contexte des sociétés modernes, cette enquête mesure leur aptitude à résoudre des situations qui ne leur sont pas familières. Malheureusement, la Tunisie fait piètre figure, et ce, depuis son adhésion en 2003, lorsqu’elle a été classée 39e sur 40 pays. En 2015, elle figurait encore à la 65e place sur 70, sans avancées significatives. En 2018, elle s’est retirée du programme par décision du ministre de l’Éducation.
Pourtant, des études menées par les économistes Hanushek et Woessmann ont montré qu’un gain durable de 100 points Pisa pourrait ajouter 1 point de croissance annuelle au PIB. C’est précisément ce qui explique l’avantage compétitif dont bénéficient certains pays asiatiques comme Singapour, la Chine ou le Japon, qui dominent ce classement depuis deux décennies. De surcroît, d’autres travaux démontrent que des lacunes dans le système éducatif se traduisent directement par des freins à l’innovation, à la productivité et, plus largement, à la croissance économique.
C’est pourquoi les réformes du système éducatif annoncées par le chef de l’Etat, Kaïs Saïed, revêtent aujourd’hui une importance cruciale, en particulier pour l’avenir économique du pays. Car l’éducation n’est pas seulement une question de développement humain, elle constitue un véritable moteur de croissance dans des économies où l’innovation, la production et la compétitivité sont devenues les principaux leviers de prospérité.