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Société

Tunisie : des femmes atteintes de cancer répudiées au nom du “préjudice”

  • 3 novembre 12:22
  • 3 min de lecture
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Tunisie : des femmes atteintes de cancer répudiées au nom du “préjudice”

La présidente de l’Union nationale des femmes tunisiennes (UNFT), Radhia Jerbi, a dénoncé la persistance d’une “mentalité machiste” face à la multiplication des demandes de divorce pour préjudice déposées par des maris contre leurs épouses atteintes d’un cancer, un phénomène qui aurait concerné près de 12 % des femmes malades en Tunisie en 2024.

Dans une déclaration à l’agence TAP, Jerbi a précisé que le divorce pour préjudice lié au cancer, considéré comme une maladie grave, relève de l’appréciation du juge. Toutefois, elle a estimé que dans ces cas, le tribunal devrait opter pour l’annulation du contrat de mariage plutôt que pour un divorce pour préjudice, même en présence d’une affection sévère.

Elle a rappelé à cet égard un revirement jurisprudentiel de la Cour de cassation, selon lequel le cancer, s’il était ignoré par l’épouse avant le mariage, ne peut être considéré comme un préjudice justifiant le divorce.

Le conjoint est, au contraire, tenu d’assister et de soutenir son épouse malade, conformément aux devoirs conjugaux prévus par l’article 23 du Code du statut personnel.

La Cour considère également que le cancer, maladie pouvant atteindre tout être humain, ne saurait constituer en soi un motif légal de séparation. En l’absence de condamnation pour violences, un divorce pour préjudice ne peut donc être prononcé dans ces circonstances.

Radhia Jerbi a également alerté sur la banalisation du divorce à l’amiable dans ces situations, soulignant que certaines femmes, fragilisées par la maladie et la perte d’estime de soi liée aux traitements (notamment l’ablation des seins ou la chute des cheveux) acceptent la rupture sous pression, en se sentant à tort coupables.

“Ces femmes subissent une double peine : celle de la maladie et celle de l’abandon conjugal”, a-t-elle déploré, ajoutant que de nombreux maris fuient leurs responsabilités au lieu d’apporter soutien et réconfort.

Lors d’une table ronde organisée par l’UNFT sur le thème “Les répercussions du cancer sur les relations conjugales”, la spécialiste sociale du centre d’écoute de l’organisation, Mme Lahmar, a présenté plusieurs témoignages de femmes dont les époux ont refusé la mastectomie, rejeté la maladie, quitté le domicile conjugal ou exercé des pressions pour un divorce à l’amiable, invoquant une prétendue incapacité de leurs épouses à assumer leurs devoirs conjugaux.

Jerbi a conclu en appelant à renforcer la sensibilisation sur les droits des femmes malades et à mieux encadrer juridiquement ces cas de divorce, afin de protéger les victimes de l’abandon conjugal et de promouvoir une culture de solidarité et d’égalité au sein du couple.

Auteur

La Presse

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