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Contraction du cheptel : Une alerte sérieuse pour l’avenir de l’agriculture

  • 22 décembre 19:15
  • 5 min de lecture
Contraction du cheptel : Une alerte sérieuse pour l’avenir de l’agriculture

Le secteur de l’élevage en Tunisie traverse une crise profonde, marquée par une chute importante du cheptel bovin et des pertes économiques considérables pour les éleveurs. La sécheresse, la hausse des coûts de production et la dégradation des pâturages fragilisent la filière, menaçant la sécurité alimentaire et la souveraineté du pays.

Face à cette situation, l’Etat a annoncé des mesures d’urgence et des programmes de long terme pour stabiliser et renforcer la filière bovine.

La Presse — Le secteur de l’élevage en Tunisie traverse une crise profonde depuis plusieurs années. Les sécheresses successives, la dégradation des pâturages et la hausse des prix des aliments pour bétail ont fortement fragilisé le cheptel bovin, qui a chuté de 20 % en 2025.

Cette contraction menace directement la sécurité alimentaire, les revenus des éleveurs et l’équilibre des marchés agricoles, notamment dans les zones rurales.

Cette baisse touche particulièrement les petits exploitants et résulte de plusieurs facteurs interdépendants. Les sécheresses répétées ont réduit la disponibilité en fourrage, fragilisant l’alimentation des troupeaux.

Parallèlement, les coûts de production, en particulier les aliments pour bétail et les intrants agricoles, ne cessent d’augmenter, rendant l’élevage difficile à rentabiliser.

La pression économique s’accentue encore avec la baisse du pouvoir d’achat et l’accès limité au crédit, incitant de nombreux éleveurs à vendre ou abattre prématurément leurs bêtes.

Les conséquences de cette crise se font sentir à plusieurs niveaux : la production de viande et de lait diminue, entraînant une hausse des prix à la consommation, et l’économie des zones rurales se fragilise.

Face à ces difficultés, certains exploitants abandonnent l’élevage pour se tourner vers des activités agricoles jugées plus résilientes, ce qui risque d’aggraver la contraction du cheptel et d’accroître la vulnérabilité du secteur à long terme.

Impact sur la filière laitière

D’après les professionnels du secteur, « la diminution du nombre de vaches entraîne une chute de la production locale de lait, accentuant les risques de pénuries.

Bien que le prix du lait soit fixé par l’État pour protéger les consommateurs, ce mécanisme ne compense pas la rareté croissante du produit ni les coûts élevés supportés par les éleveurs.

Ces derniers peinent à rentabiliser leur activité et certains quittent la filière, aggravant encore la crise ».

Pour combler le déficit, la Tunisie recourt de plus en plus aux importations de poudre de lait et de viande, « ce qui expose le pays aux fluctuations des marchés internationaux.

Cette dépendance fragilise la souveraineté alimentaire et accentue la vulnérabilité structurelle du secteur agricole face aux pressions économiques et climatiques ».

Mesures d’urgence

Pour gérer cette crise, le ministère de l’Agriculture a annoncé une série de mesures d’urgence. Parmi elles figurent le soutien direct aux petits agriculteurs, la mise en place de programmes de reconstitution du cheptel et la réduction des coûts des intrants agricoles.

Le gouvernement prévoit également de renforcer la gestion des ressources hydriques et fourragères afin de limiter l’impact des sécheresses.

Ces initiatives visent à stabiliser la filière bovine, « mais elles restent insuffisantes si elles ne s’accompagnent pas d’une stratégie de long terme ».

La baisse de 20 % du cheptel bovin en Tunisie ne se limite pas à une donnée statistique : elle représente une véritable alerte pour l’avenir de l’agriculture nationale.

« Cette régression met en lumière la vulnérabilité du pays face aux effets du changement climatique et aux pressions économiques mondiales qui fragilisent les exploitations.

Sans réformes structurelles rapides et ambitieuses, la souveraineté alimentaire tunisienne pourrait être compromise, et les agriculteurs risquent d’être marginalisés ».

Seule une transformation profonde permettra de protéger la filière bovine.

Autres mesures non moins importantes, annoncées par le ministère de tutelle, elles comprennent la réforme institutionnelle à travers la création de l’Office national de l’alimentation animale (Onaa), la tarification des matières premières importées destinées à l’alimentation animale par le ministère du Commerce et du Développement des exportations, l’amélioration de la santé du cheptel et la protection des ressources animales. 

A cela s’ajoute le Programme national de reconstitution du cheptel, prévu par la Loi de finances 2025 et dont l’exécution s’étendra sur quatre ans.

Des pertes économiques significatives

Selon l’Utap, les pertes des éleveurs de vaches laitières ont atteint plus de 3 milliards de dinars entre 2020 et 2023, résultant de l’écart entre les coûts de production et les prix de vente.

Ces pertes auront certainement un impact sur l’avenir du secteur, car les éleveurs incapables de supporter ces dégâts financiers se retrouvent contraints d’abandonner leur métier. En Tunisie, le secteur de l’élevage contribue à hauteur de 35 % du PIB agricole.

En 2022, le nombre d’éleveurs bovins s’élevait à 112.000 personnes, tandis que celui des éleveurs de petits ruminants atteignait 274.000, selon les chiffres de l’Office de l’élevage et des pâturages.

Auteur

Najoua Hizaoui