Pilier historique de l’économie rurale et rempart social dans les régions intérieures, l’élevage ovin tunisien est aujourd’hui au bord de la rupture.
Entre explosion des coûts, sécheresse persistante et dérèglement des circuits de commercialisation, la filière s’enfonce dans une crise.
La Presse — L’élevage ovin, longtemps secteur vital de l’économie rurale tunisienne et garant de la paix sociale dans les zones rurales, traverse aujourd’hui sa crise la plus profonde.
La flambée des coûts de production, la raréfaction des pâturages et la désorganisation des marchés pèsent lourdement sur un secteur qui représente pourtant un maillon essentiel de la sécurité alimentaire et de l’équilibre des régions intérieures.
Perte du capital génétique national
En cinq ans, le prix des aliments concentrés a presque doublé, absorbant jusqu’à 80 % des charges des éleveurs, selon le grand éleveur évoluant dans la steppe de Kairouan, Ali Ben Salah.
Dans le même temps, la sécheresse réduit les ressources fourragères nationales, obligeant les exploitants à acheter davantage d’aliments importés et plus coûteux.
Résultat : marge compressée, ventes anticipées et perte progressive du capital génétique national.
Le circuit de commercialisation reste dominé par des intermédiaires qui captent une part disproportionnée de la valeur.
L’absence de transparence et de mécanismes de prix de référence crée un marché volatil : l’éleveur vend à perte, le consommateur paye trop cher, et la filière perd en compétitivité.
Il faut donc trois leviers pour relancer la filière. D’abord, la réduction des coûts implique un investissement dans la culture fourragère locale et les aliments alternatifs et l’encouragement des unités régionales de mise en balles pour valoriser les résidus agricoles.
Puis, une meilleure organisation du marché passe par une modernisation des marchés régionaux avec traçabilité et pesée, en plus de l’introduction de grilles de prix basées sur la qualité et le poids.
Enfin, pour stabiliser la production, il faut soutenir les programmes de reproduction et préserver la race « Barbarine » et accorder des primes ciblées aux petits éleveurs pour éviter la liquidation des troupeaux, de l’avis des éleveurs interrogés.
Stratégique pour la souveraineté alimentaire
Relancer l’élevage ovin n’est pas un luxe sectoriel. C’est plutôt un impératif économique. À
l’heure où la facture d’importation alimentaire pèse de plus en plus sur les finances publiques, renforcer une filière locale à forte valeur ajoutée est l’une des réformes les plus rentables pour la Tunisie.
L’élevage ovin peut redevenir une source de richesse nationale, à condition de lui offrir une stratégie claire et des règles de jeu enfin favorables à la production.
De la sorte, on pourra même exporter vers nos voisins dès lors que l’on arrête de boire l’eau des nouilles.