Colloque national sur la transition énergétique : La Tunisie en retard sur ses objectifs 2030
La Tunisie dispose d’un fort potentiel solaire et éolien, encore largement sous-exploité, qui pourrait devenir un véritable levier de croissance et d’emploi si la volonté politique s’accompagnait d’actions concrètes et coordonnées. Face à la lenteur du processus de transition, le pays cherche à redéfinir son cadre d’action.
La Presse — L’Organisation patronale des énergies propres (Step) a organisé un colloque national sur les solutions pour accélérer la transition énergétique en Tunisie, tenu mercredi 8 octobre à Tunis.
Ce colloque national vise à présenter et à débattre des propositions de solutions concrètes pour réussir la transition énergétique en Tunisie. Il réunit des experts, des professionnels et des décideurs, venus partager leurs visions et recommandations dans ce domaine stratégique, porteur d’un impact économique, social et environnemental majeur, et disposant d’un fort potentiel d’application sur le terrain.
Reproduire les mêmes schémas !
Dans ce cadre, Mejdi Kilani, consultant en énergies renouvelables en France et créateur d’un projet dédié à la production et à l’installation de panneaux solaires, a souligné : « A mon avis, la Tunisie avance, mais pas au rythme nécessaire, car elle fait face à de nombreuses contraintes, notamment réglementaires, avec des délais de mise en œuvre trop longs.
Deux principales filières se développent : l’autoconsommation et les grands projets. Ces derniers progressent, mais rencontrent encore des difficultés liées au financement, au foncier et aux procédures administratives. La Tunisie avance, certes, mais très lentement ».
Il a ajouté : «Les obstacles persistent parce que nous continuons à reproduire les mêmes schémas. Comme l’a dit Einstein, c’est de la folie d’espérer des résultats différents en faisant toujours la même chose. Nous devons changer de méthodes et de mentalité. Par exemple, il est essentiel de créer des entités dédiées, comme une instance de régulation de l’énergie, où travaillent des stratèges capables de penser le long terme.
L’environnement réglementaire, quant à lui, reste inadapté. Pour importer un simple onduleur, il faut encore une homologation locale, alors que dans d’autres pays développés, ce n’est pas exigé. Ce type de démarches freine tout le processus. La même entité veut tout gérer, alors que cela nécessite une gouvernance ouverte et différenciée ».
Selon lui, les réformes prioritaires consistent à créer un véritable écosystème : « Qu’il s’agisse du secteur bancaire ou énergétique, il faut libérer les énergies, alléger la réglementation et instaurer des règles efficaces et équitables. Il est nécessaire de créer un environnement favorable. Des pays comme Singapour, la Corée du Sud ou la Chine l’ont fait avec succès. Nous devons inverser cette logique et adopter un nouveau « mindset », sans quoi nous continuerons d’avancer à petits pas».
Un cadre réglementaire clair ?
Concernant la sécurité énergétique, il a estimé que «les projets de concessions représentent aujourd’hui une capacité totale d’environ 570.000 MW, dont une part importante est opérée par des étrangers. Il faudrait soutenir davantage les entreprises tunisiennes, leur accorder des avantages compétitifs et leur permettre d’obtenir des financements à l’étranger. Sans cela, la sécurité énergétique restera un objectif lointain».
De son côté, Ezzedine Khalfallah, consultant international en énergie, a mentionné que «les ministères et institutions publiques ont compris l’importance du rôle de la Step et des structures nationales œuvrant pour la transparence et la concertation dans le secteur. Il est nécessaire de disposer d’un cadre réglementaire clair, mais aussi évolutif, qui puisse être corrigé et amélioré au fil du temps pour accélérer les projets et adapter la stratégie nationale. »
Il a rappelé qu’un plan d’action concret est indispensable pour traduire la stratégie de transition énergétique en résultats tangibles : «Actuellement, la stratégie existe, mais le plan d’action reste flou ou non publié. Il est urgent de le rendre public pour assurer la transparence et permettre à chacun de comprendre comment les objectifs seront atteints. A ce jour, nous n’avons atteint que 5 % des objectifs, soit environ 700 à 800 MW installés, loin de la cible de 35 % à l’horizon 2030, équivalente à 4.850 MW».
Enfin, les représentants du ministère ont tenu à préciser que les concessions peuvent être développées en parallèle des autres projets, sans les compromettre : « Il n’y a pas de concurrence entre les concessions, les petits projets ou l’autoproduction. Tout peut avancer simultanément. La priorité reste d’accélérer la réalisation des projets pour atteindre 35 % d’énergies renouvelables d’ici 2030».