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Pour un ordre fiscal mondial plus équitable : La Tunisie fait entendre sa voix à l’ONU

  • 25 octobre 18:20
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Pour un ordre fiscal mondial plus équitable : La Tunisie fait entendre sa voix à l’ONU

Alors que les négociations autour d’une nouvelle convention-cadre sur la coopération internationale en matière fiscale battent leur plein à l’ONU, le sujet a été récemment débattu à Tunis.

La Presse — Un colloque international consacré aux négociations autour d’une nouvelle convention-cadre sur la coopération internationale en matière fiscale, réunissant des universitaires, des experts et des représentants des administrations fiscales de plusieurs pays africains, notamment du Maghreb, a été organisé conjointement par le laboratoire des Sciences constitutionnelles, administratives et financières (Lascaf) de l’Université El Manar et l’Observatoire tunisien de l’économie (OTE). 

La nouvelle convention-cadre vise à instaurer un ordre fiscal mondial plus inclusif, en garantissant la participation effective des pays en développement à l’élaboration des règles fiscales internationales. Ce processus intervient quelques années après la mise en place, en 2017, par l’Ocde, de la Convention multilatérale et la mise en place d’un cadre inclusif qui fédère aujourd’hui 148 pays. Son objectif principal est de lutter contre l’optimisation fiscale agressive.  

En 2022, la solution fondée sur deux piliers a cherché à répondre aux défis de la fiscalité numérique, mais son impact demeure limité pour les pays en développement, selon l’observatoire.

Ces limites ont ravivé la revendication d’une gouvernance fiscale mondiale plus démocratique, explique-t-on. 

C’est ainsi que sous l’impulsion du groupe Afrique, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté en 2022 la résolution 78/230 ouvrant la voie à de longues discussions devant aboutir, fin 2027, à l’adoption de la nouvelle convention-cadre, dont les termes de référence ont été adoptés en décembre 2024.

« Ce colloque représente une opportunité pour rassembler des experts, des universitaires et des représentants de la société civile autour d’un thème aussi crucial, en lien avec d’autres enjeux, tels que l’application des conventions qu’elles relèvent du modèle Ocde ou du modèle Nations unies », a déclaré la coordinatrice de l’événement, Emna Fakhfakh, maître de conférences agrégée à la faculté de Droit et de Sciences politiques.

Un processus en construction 

Revenant sur les négociations actuellement en cours à l’ONU, Sara Gnzar, représentante de l’administration fiscale marocaine, a indiqué, en somme, que les discussions étaient marquées par des tensions et des clivages entre le bloc des pays développés et celui des pays en développement. 

Les termes de référence ayant été adoptés en décembre 2024, le processus est aujourd’hui à mi-parcours. Mais, en février 2025, coup de théâtre : les Etats-Unis ont annoncé leur retrait des négociations, et ont déclaré que « les objectifs futurs de la convention-cadre sont incompatibles avec leurs priorités ».

« C’était un moment d’ambiguïté et de confusion. Mais les Etats ont repris dès le lendemain les discussions », a précisé Gnzar. 

Et d’ajouter : « Le Groupe Afrique a clairement affirmé ne pas vouloir reproduire d’anciennes structures ni renforcer les déséquilibres existants, mais cocréer un nouveau système équitable et transparent, respectant le droit de chaque Etat à percevoir les recettes issues de son activité économique ».

Lutter contre la fraude fiscale 

Articulant son intervention autour des défis liés à l’adaptation du cadre fiscal national aux réformes menées par l’Ocde, le directeur général des Études et de la Législation fiscale au ministère des Finances, Yahia Chemlali, a précisé que la Tunisie participe actuellement aux travaux relatifs à la nouvelle convention-cadre de l’ONU, appelant de ses vœux une accélération du processus des négociations afin que les pays en développement puissent atteindre leurs objectifs en matière de fiscalité. 

Il a rappelé, dans ce contexte, qu’après l’adhésion de la Tunisie, en 2017, à l’instrument Beps de l’Ocde, le pays avait renoncé en 2021 au régime d’imposition privilégiée pour les opérations d’exportation, notamment celles des services financiers destinés aux non-résidents. 

Les réformes engagées dans le cadre de cet instrument, a-t-il ajouté, cadraient avec la politique fiscale de la Tunisie qui œuvre à maîtriser les avantages fiscaux devenus une niche de fraude particulièrement dans le domaine des services, où le contrôle est extrêmement difficile. Il a souligné que ces avantages avaient permis à de nombreuses sociétés de services de bénéficier d’une « double non-imposition ». 

Chemlali a également rappelé que la Tunisie avait suspendu le régime suspensif pour les sociétés de commerce international et les entreprises de services totalement exportatrices, une décision qui a contribué, selon lui, à limiter la concurrence déloyale sur le marché intérieur, mais surtout à lutter contre la fraude liée à la TVA.

Des défis qui s’imposent 

Le responsable a, en outre, précisé que l’adaptation aux réformes de l’Ocde a soulevé des défis d’ordre technique pour la Tunisie, qui a exprimé un besoin en matière de renforcement des compétences et un meilleur accès aux bases de données. 

Ces réformes, selon lui, posent également des défis en matière de compétitivité et d’attractivité du territoire, obligeant à arbitrer entre l’amélioration de l’attractivité par les incitations fiscales et la conformité aux standards internationaux limitant la concurrence fiscale. 

« Dans ce contexte, la Tunisie tient à respecter à la fois son choix stratégique en matière de politique fiscale, en utilisant la fiscalité pour stimuler l’investissement et sa conformité aux normes internationales, gage de crédibilité », a-t-il ajouté.

Chemlali a, par ailleurs, rappelé que la mise en œuvre de la « solution à deux piliers » initiée en 2021 par l’Ocde nécessite une profonde refonte de la législation tunisienne et touche à la souveraineté fiscale du pays. 

« Les solutions proposées risquent de ne pas prendre en considération les besoins des pays en développement. La mise en œuvre complexe avec la nécessité de prévoir des mesures transitoires nécessite plus de temps pour étudier ces propositions. Nous avons identifié quelles sont les exclusions à faire et qui devraient être annulées pour que cette solution soit applicable », a-t-il affirmé.

Auteur

La Presse

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