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Partenariats public-prives : Un mécanisme à structurer pour soutenir le développement

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  • 21 décembre 18:45
  • 6 min de lecture
Partenariats public-prives : Un mécanisme à structurer pour soutenir le développement

Les partenariats public-privés constituent l’un des instruments mobilisés pour accompagner les projets d’infrastructure en Tunisie.

À travers une lecture économique et institutionnelle, Abbas Jellali, expert en économie sociale et solidaire et en entrepreneuriat social, en examine les principes, les apports et les conditions de mise en œuvre.

La Presse — Aujourd’hui, la Tunisie s’interroge sur l’efficacité des Partenariats Public-Privés (PPP) comme levier de développement économique.

Présentés comme une alternative au financement public classique, ces partenariats suscitent à la fois espoirs et réserves.

Abbas Jellali, expert en économie sociale et solidaire et en entrepreneuriat social, examine les forces, les limites et les conditions de réussite des PPP en Tunisie, au regard des impératifs budgétaires et des exigences de transparence.

Un cadre juridique en évolution constante

L’expert a déclaré que « l’efficacité des PPP en Tunisie dans la réalisation des infrastructures demeure globalement mitigée».

Selon lui, ce bilan contrasté s’explique notamment par un cadre juridique en évolution constante, ainsi que par des défis persistants liés à la mise en œuvre des projets et à la transparence. 

Il a indiqué que le cadre juridique tunisien des PPP repose principalement sur plusieurs textes fondamentaux.

La loi n° 49-2015 du 27 novembre 2015, relative aux contrats de partenariats public-privés, constitue à cet égard une étape cruciale, en instaurant un cadre spécifique et distinct de celui des concessions traditionnelles.

À cela s’ajoute le décret n° 4631 du 18 novembre 2013, qui régit les concessions et opère une distinction claire entre les projets dits «utilisateur-payeur» et ceux dits «Etat-payeur», tout en imposant la transmission annuelle d’un rapport d’exécution. 

Dans ce contexte institutionnel, Jellali a souligné le rôle central de l’Instance Générale de Partenariat Public-Privé (Igppp), notamment à travers l’avis conforme qu’elle émet sur l’évaluation des projets et des contrats avant leur signature.

Ce mécanisme vise à garantir le respect des procédures, la cohérence économique des projets et l’équilibre entre les parties prenantes. 

Par ailleurs, l’expert a estimé que les PPP présentent plusieurs aspects positifs et un potentiel important pour l’économie tunisienne.

Ils constituent, selon lui, un levier essentiel pour mobiliser des investissements privés, combler le déficit de financement des infrastructures et bénéficier de l’expertise ainsi que de la capacité d’innovation du secteur privé.

Il a également, affirmé que le cadre juridique s’est amélioré ces dernières années afin de devenir plus attractif et plus opérationnel, tout en insistant sur la nécessité d’une gouvernance rigoureuse et d’un contrôle strict de la qualité et des délais d’exécution. 

Faible concrétisation des projets d’envergure

Cependant, Abbas a déclaré que l’efficacité réelle des PPP en Tunisie reste en deçà de leur potentiel, de nombreux projets peinant encore à se concrétiser.

Il a mentionné que cette situation s’explique par plusieurs défis majeurs, à commencer par la faible concrétisation des projets d’envergure, malgré l’intérêt affiché pour ce mode de partenariat. 

Les complexités juridiques, techniques et financières inhérentes aux PPP constituent, selon lui, un frein important. 

À cela s’ajoutent, comme il l’a indiqué, des problèmes d’opacité et de manque de visibilité concernant l’exécution des projets, les litiges éventuels et les données financières clés, telles que la valeur ajoutée réelle ou le niveau des investissements. 

Il a aussi mis en garde contre la charge budgétaire potentielle que peuvent représenter certains projets PPP pour l’État, en soulignant la nécessité d’une évaluation financière rigoureuse en amont.

Enfin, il a précisé que la difficulté à assurer un partage équilibré des risques, qu’ils soient commerciaux, juridiques ou politiques, reste l’un des principaux obstacles à l’attractivité de ces partenariats pour les investisseurs privés. 

À la lumière de fortes contraintes budgétaires et un niveau d’endettement élevé, Abbas Jellali a affirmé que les PPP peuvent néanmoins jouer un rôle stratégique en tant que mode de financement alternatif pour les projets de développement, à condition d’être encadrés par une gestion rigoureuse. 

Il a expliqué que le principal avantage des PPP réside dans leur capacité à permettre le lancement de projets d’infrastructure d’envergure sans exiger un décaissement immédiat et massif de fonds publics.

À travers la mobilisation de capitaux privés, le partenaire privé assure le financement de la conception et de la construction initiales, ce qui réduit la pression sur le budget d’investissement public et les capacités d’emprunt de l’Etat. 

Jellali a également souligné l’importance du lissage des dépenses dans le temps, les paiements étant étalés sur la durée du contrat souvent comprise entre 20 et 30 ans, une fois l’infrastructure opérationnelle.

Cette approche permet de prendre en compte le coût global du cycle de vie du projet. Il a ajouté que le transfert partiel des risques vers le partenaire privé favorise une meilleure maîtrise des délais, des coûts et de la maintenance, contribuant ainsi à une efficacité accrue sur le long terme. 

Des conditions essentielles

En outre, il a précisé que les PPP offrent au secteur public un accès à l’expertise, aux technologies et à l’innovation du secteur privé, notamment dans des domaines prioritaires tels que l’énergie, l’eau et l’assainissement, conformément aux orientations du plan de développement tunisien. 

Toutefois, il a insisté sur plusieurs conditions essentielles de réussite dans le contexte tunisien.

Il a évoqué la nécessité d’une évaluation préalable approfondie afin de déterminer la pertinence du recours au PPP par rapport aux modes classiques de réalisation, en s’appuyant sur une analyse coûts et avantages et sur l’impact budgétaire à long terme.

Il a par ailleurs insisté sur l’importance de la transparence et d’une gouvernance solide pour assurer le suivi des projets et prévenir toute opacité. 

Enfin, il a souligné que des contrats bien structurés doivent garantir un partage équilibré des risques et que l’Igppp doit bénéficier d’un renforcement institutionnel, tant en ressources humaines qu’en moyens de contrôle et de suivi. 

Abbas Jellali a déclaré que les PPP ne doivent pas être perçus comme un moyen d’échapper aux contraintes budgétaires, puisque l’engagement financier de l’Etat demeure à terme.

Ils constituent toutefois, selon lui, un outil stratégique pour étaler la charge financière, mobiliser des capitaux privés et accélérer la réalisation d’infrastructures essentielles au développement économique et social de la Tunisie.

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Auteur

Sabrine AHMED