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Tribune – 1er novembre 1954-2025 : 71e anniversaire du déclenchement de la guerre d’indépendance de l’algérie : Volonté, détermination et courage !

  • 3 novembre 17:30
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Tribune – 1er novembre 1954-2025 : 71e anniversaire du déclenchement de la guerre d’indépendance de l’algérie : Volonté, détermination et courage !

Rappeler les péripéties de la guerre d’indépendance de l’Algérie en seulement quelques pages n’est guère simple ni aisé car de quoi pourrais-je parler ?

Des attentats sans nombre, des combats sans fin, des tortures et des destructions affreuses, des rebellions civiles et militaires, des tentatives de coup d’Etat, d’exode d’une population entière, des regroupements forcés de milliers de familles, des tentatives d’infiltration de part et d’autre, des milliers de hauts faits d’armes, des conditions matérielles, sociales et morales où l’action a germé ?

Des gens par qui elle fut méditée, préparée et accomplie? L’ayant, en partie, et modestement vécue un certain temps d’assez près et en observateur, je vais essayer d’en énumérer quelques points forts et pour commencer, je constate que si l’insurrection dont la préparation a été dure, la conduite pénible, et le résultat fantastique, c’est surtout grâce au grand et merveilleux peuple algérien qui, malgré tout ce qu’il a enduré durant les huit années de guerre, et malgré les milliers de martyrs, a eu la patience d’Ayoub, a tout supporté et n’a rien abandonné.

La décennie des années 50 du siècle dernier a été celle de la lutte des trois pays maghrébins pour leur indépendance : en effet, si la Tunisie a ouvert la marche pour la liberté en 1952, le Maroc en 1953, l’Algérie ferma la marche en 1954.

Le mouvement qui a jeté l’Algérie dans une guerre de huit ans et lui a donné la liberté a été l’œuvre de sept hommes, dépourvus de troupes, d’armes, d’argent, d’appui extérieur et même de soutien populaire (Mohamed Boudiaf, Rabah Bitat, Larbi Ben Mhidi, Krim Belgacem, Didouche Mourad, Mustapha Ben Boulaid et Ahmed Ben Bella).

Ces sept hommes n’étaient ni fous, ni inconscients et ils savaient qu’ils auraient à se battre contre la toute puissance française, contre son armée, contre sa police et surtout contre le million de colons français vivant en Algérie.

Sans rentrer dans les détails des difficiles et complexes démarches préparatoires qui ont duré assez longtemps et qui sont passées par des hauts et des bas, on peut affirmer que jamais révolution n’aura vu le jour avec si peu d’hommes et si peu de moyens.

L’Armée de libération nationale, créée par le Comité révolutionnaire d’unité et d’action (Crua), en 1954, avec, au départ, très peu d’hommes, constitua le bras armé du Front de libération nationale (FLN) qui mènera la guerre contre la présence coloniale française en Algérie, de 1954 à 1962.

La lutte fut menée aussi bien dans les grandes villes que dans les campagnes les plus reculées du pays et elle passa d’une armée de partisans de 2.000 à 3.000 hommes mal armés et mal équipés mais déterminés à une armée presque conventionnelle au fur et à mesure que la guerre se prolongeait.

Le pays fut divisé en 6 wilayas ou régions militaires (l’Algérois, les Aurès, le Constantinois, la Kabylie, l’Oranie, le Sud algérien), Alger formant, à part, la Zone autonome d’Alger ; à la tête de chacune d’elles était nommé un chef qui était subordonné, hiérarchiquement, au chef d’étatmajor général.

Le congrès de la Soummam, tenu en août 1956, organise les structures du mouvement insurrectionnel et lui élabore un programme. Il fixa, par ailleurs, les objectifs et les lignes de conduite de l’ALN :

1 – La poursuite de la lutte de libération jusqu’à l’indépendance,
2 – La poursuite de la destruction des forces de l’ennemi et la récupération de ses équipements ( armes et munitions),
3 – Le développement du potentiel matériel, moral et technique des unités,
4 – La recherche du maximum de mouvement, de dispersion, avec rapidité de regroupement pour l’offensive,
5 – Le renforcement de la liaison entre les positions, les chefs et les unités,
6 – Le développement des renseignements au sein de l’ennemi et de la population,
7 – Le développement du réseau d’influence du FLN auprès du peuple pour en faire un appui sûr et constant,
8 – Le renforcement de la discipline dans les rangs des combattants,
9 – Le développement de l’esprit de sacrifice, de fraternité et d’équipe parmi les combattants,
10 – Le respect des principes de l’islam et des lois internationales lors de la destruction de l’ennemi.

Quant au combattant de l’ALN, il est un homme très endurant, capable de se déplacer à une allure considérable.

Sa vitesse dans les djebels était 2 à 3 fois supérieure à celle des meilleurs éléments de l’armée française. Dans son secteur de responsabilité, il était renseigné sur les déplacements de l’ennemi et choisissait le lieu et le moment du combat.

Il doit se rendre insaisissable grâce à une mobilité constante et par une dispersion aussi grande que possible, le regroupement ne devant s’opérer qu’avant une attaque.

Les effectifs n’étaient pas, tous, des combattants car il y avait aussi les «mousabilines», ces petits groupes chargés du sabotage et du soutien logistique et qui continuaient à vivre dans leurs villages ou leurs mechtas.

Les uns et les autres ne sauraient subsister sans la participation des collecteurs de fonds, d’organisateurs de caches de vivres, d’armes et de munitions ainsi que des informateurs et guetteurs chargés de déceler les mouvements en cours ; ils sont connus sous l’appellation de «choufs».

Les combattants étaient souvent des professionnels dont la formation a été acquise soit, comme certains parmi les historiques ( Houcine Aït Ahmed, Ahmed Ben Bella, Krim Belgacem, Abdelhamid Boussouf), dans l’armée française, soit en suivant une formation en Egypte, en Tunisie ou en Libye.

Le FLN a pu organiser, en Tunisie et au Maroc, ses propres centres d’instruction. De même, après le déclenchement du conflit, un bon nombre d’officiers algériens, de grande valeur professionnelle et servant dans l’armée française, ont déserté leurs unités stationnées en Allemagne et en France pour rejoindre l’armée des frontières en Tunisie.

D’ailleurs, les dirigeants de la Révolution, contraints de sortir du territoire national dès juin 1957, vont s’efforcer d’organiser les unités extérieures et de les engager dans les combats souvent meurtriers contre les barrages électrifiés Challe et Morice installés par l’armée française.

A cet effet, 2 Comités d’organisation militaire (COM) ont été créés, l’un à l’est (Tunisie) confié au Colonel Mohammedi Said et l’autre à l’ouest (Maroc) confié au Colonel Haouari Boumediène.

Les barrages électrifiés construits n’ont pas été appréciés par les chefs de guerre algériens à leur juste valeur et ont entraîné des batailles frontalières particulièrement meurtrières.

Quant aux effectifs de l’ALN, alors qu’ils étaient près de 5.000 combattants, un an après le déclenchement des évènements,

organisés en bandes armées régionales pour ne pas dire tribales, ils se sont développés, en 1958, et permettaient au FLN d’aligner près de 40.000 combattants soutenus par toute la population.

Les armes utilisées durant les premiers mois de l’insurrection n’étaient composées que d’armes de chasse et de quelques armes de récupération datant de la Seconde Guerre mondiale.

L’armement commençait à se développer au fur et à mesure de l’évolution du combat.

C’est ainsi que l’ALN a pu obtenir des armes plus performantes en les récupérant auprès de l’ennemi, en organisant des embuscades d’une part et d’autre part, en les acheminant clandestinement à travers les frontières, essentiellement tunisiennes (fusils semi automatiques, pistolets mitrailleurs, bazookas, mortiers, mitrailleuses, grenades, mines et explosifs).

Sur le conseil des chinois, les dirigeants de l’ALN ont constitué une artillerie dans le but de harceler les barrages électrifiés Morice et surtout Challe pour créer des brèches permettant l’infiltration d’éléments chargés de convoyer dans les zones de combat armes et équipements destinés aux unités de l’intérieur.

D’autre part, c’est à partir de 1959 que les mortiers de 81 ont été introduits dans les unités combattantes.

Ceux là ont été utilisés à profusion, et chaque bataillon a été doté de 2 mortiers de 81 et de 2 mortiers de 60. A partir de 1960, les mortiers lourds de 120, les canons de106SR,de75SRetde 37 SR ont été introduits dans l’arsenal de l’ALN.

L’artillerie de l’ALN a harcelé les éléments français déployés près des barrages, principalement le long de la frontière tunisienne depuis 1959 et ce harcèlement prend une importance significative à la fin de 1961.

Les difficultés du franchissement des barrages et l’observation aérienne n’ont pas permis au FLN d’introduire de l’artillerie à l’intérieur de l’Algérie. En revanche, des mitrailleuses antiaériennes ont été employées avec efficacité contre les aéronefs.

Soucieux de ne pas dépendre, essentiellement, que des marchés d’armement étrangers, le FLN a pu se procurer l’assistance de techniciens et de spécialistes venus de France, de Grande Bretagne, de Grèce, des Pays-Bas, d’Allemagne et même d’Argentine, et l’ont aidé à fabriquer des armes légères et semi lourdes, essentiellement au Maroc où des ateliers ont été créés à :

-1 – Tétouan en 1958 (fabrication de grenades)
-2- Souk el Arba en 1958 (bombes, grenades et bengalores)
-3- Bouznika en 1958 (bombes, grenades et armes blanches)
-4- Shkhirat en 1960 (fusils, PM Mat 49 et armes blanches)
– 5-Mohammedia en 1960 (mortiers de 45, de 60 et de 80).

Dix mille PM «made in ALN» ont été fabriqués et testés dans des tunnels créés sur place à cet effet, alors qu’un atelier de réparation d’armes et de fabrication de cartouches fut installé à Djebel Jeloud (banlieue de Tunis).

D’autre part et dans un souci d’efficacité, un commandement unique a été créé sous l’appellation d’état-major Général, en décembre 1959, et confié au Colonel Haouari Boumediène dont le poste de commandement a été installé en Tunisie, à Ghardimaou, tout près des frontières.

Le Colonel Boumedienne a, aussitôt, entrepris la réorganisation de cette armée implantée en Tunisie dans les trois gouvernorats montagneux et couverts de forêts qui sont ceux de Souk el Arba (aujourd’hui Jendouba), du Kef et de Kasserine.

Il a aussitôt procédé à une sérieuse reprise en main de toute l’organisation militaire, à mettre de l’ordre en son sein, exploitant les compétences de la bonne dizaine d’officiers, pour la plupart des capitaines chevronnés et de grande valeur, qui ont déserté l’armée française mais qui ont été, au début, marginalisés par l’ALN pour les raisons qu’il n’est pas difficile d’imaginer.

Ces officiers que nous avons connus à la frontière, dont les Capitaines Chabbou, Zerguini, Hoffman, Bouthella, Abdelmoumen, Ben Cherif, etc.

ont été rejoints par une douzaine de Lieu tenants, qui étaient, en même temps que nous, en formation à l’Ecole de St Cyr et qui ont déserté l’armée française, utilisant des passeports tunisiens dont mon ami Abdelmajid Lellahoum (qui sera, après l’indépendance, directeur du protocole, ministre du Tourisme, secrétaire général de la Présidence de la République et ambassadeur), Bouzada, Khelil , Agoun…

Ceux-ci et ceux là ont été chargés de l’encadrement de l’Etat-Major Général, des centres d’instruction et de l’Ecole des cadres installée à la ferme Beni( à 15 km du Kef), des services logistiques et de l’inspection.

En très peu de temps, l’armée des frontières, jadis composée de guérilléros, était devenue telle une armée régulière, avec tous ses qualificatifs.

J’ai personnellement connu l’ALN puisque ma première affectation, à mon retour de St Cyr, fut Sakiet Sidi Youssef, à la frontière tuniso-algérienne.

C’était au mois d’avril 1958, deux mois après le bombardement de ce village par l’aviation française, en représailles au soutien que fournit la Tunisie à la rébellion algérienne.

Un bataillon ALN commandé par le Commandant Hamma Loulou avait ses campements dans la région de oued Zana, en Tunisie, à prèsde20kmaunordde Sakiet. Mon secteur de responsabilité couvrait près de 75 km de frontières et mon poste de commandement situé à Sakiet me permettait de contrôler mes quatre postes dont deux sont au nord de Sakiet (Ain Om Jra et Oued Zitoun) et deux autres au sud de Sakiet (Ain Karma et Oued el Malah).

Un poste français, celui d’el Gouared (ancien poste des gardes forestiers) de la valeur d’une compagnie se trouvait à près de 300 mètres, à vol d’oiseau, de Sakiet.

Mon P.C. installé à la lisière nord-ouest du village, occupait les hauteurs qui me permettaient de dominer, par l’observation et par le feu, tout le secteur côté algérien dont le poste français.

Les travaux d’organisation du terrain qui ont été effectués nous facilitaient l’usage des casemates reliées par des tranchées ainsi que le déplacement en toute sécurité.

Le lendemain de mon arrivée à Sakiet et vers 22h00 et alors que je me préparais à dormir, je fus surpris par un tir nourri de mitrailleuses en direction du poste français, tir précédé d’obus de mortiers dont certains tombaient sur le même poste.

J’ai compris que c’était les combattants de l’ALN qui, outrepassant les consignes du gouvernement tunisien de ne pas attaquer les postes français tout proches de la frontière, pour éviter toute polémique avec les autorités françaises, l’ont quand même fait.

C’était aussi la première fois que le mortier de 81 était employé par l’ALN. Le poste français était appuyé par une batterie d’artillerie installée sur la route de Souk Ahras, à près de 10- 12 km, à Bordj Meraou. La riposte du poste français ne s’est pas fait attendre ainsi que l’appui de l’artillerie qui n’a pas tardé.

Etant pratiquement en plein dans la zone de combat, nous recevions, de temps à autre, et des rafales de mitrailleuses et des obus d’artillerie, d’un côté comme de l’autre.

C’est ce qu’on appelle les balles ou obus perdus. C’est ainsi que j’ai subi, assez rapidement, mon baptême du feu.

Cette attaque durera près de deux heures. Comme nous occupions une position stratégique et dominante, nous avons assisté à toute l’opération. Nous étions assez bien protégés par nos casemates algré les balles perdues et les tirs de l’artillerie française.

Ces tirs ont été effectués, à un certain moment, sur le poste français lui-même, à sa demande, avec des
obus fusants, au moment où les combattants ALN allaient donner l’assaut sur le poste.

Ce soir-là, nous fûmes les témoins privilégiés de l’admirable courage et de l’impressionnant esprit de sacrifice démontré par les combattants algériens. Ce poste français était commandé par le Capitaine Lacasse qui sera, 25 ou 30 ans plus tard, le chef d’état-major de l’armée de terre française.

Le gros des troupes de l’ALN, en Tunisie, était implanté dans la région la plus montagneuse et la plus couverte de forêts du pays, donc la plus sûre, allant de Tabarka jusqu’au sud de Ghardimaou avec
des P.C. à El Mankoura, au Djebel Dinar, à Ghardimaou, un centre de santé avec un hôpital de campagne au site archéologique de Chemtou.

Quant au gouvernorat du Kef, l’implantation des unités ALN était au Djebel Soudane et Ain Zana, à Garn Halfaya, au Djebel Sidi Ahmed et à Ain Anègue.

Deux bases logistiques se trouvaient au Kef et à Tadjerouine. Le Bataillon de Djebel Soudane et Ain Zana a été déplacé en 1959, pour des raisons particulières, au Djebel Chaambi ( gouvernorat de Kasserine) et ce sont les combattants de l’ALN qui, pour se protéger du froid de cette haute montagne, y ont creusédes centaines de grottes.

L’implantation de l’ALN, en Tunisie, durera jusqu’à la signature des accords d’Evian en mars 1962 et les préparatifs du retour en Algérie débutèrent alors.

Rentrée en Algérie, elle est devenue l’Armée Nationale Populaire et un grand nombre de moujahidine ont souhaité être démobilisés.

Par contre, les cadres supérieurs ont participé à la mise sur pied des rouages du nouvel Etat algérien et leurs nouvelles missions étaient devenues tout à fait différentes de ce qu’elles étaient mais tout aussi passionnantes.

Toutefois et d’après le ministère algérien des anciens combattants, 132.290 Algériens ont servi dans l’ALN et 71.392 sont tombés au champ d’honneur et sont, en conséquence, morts pour la patrie.

La guerre d’Algérie a été la cause principale du retour du général de Gaulle au pouvoir en 1958 et la chute de la IVe République.

Après avoir donné du temps à l’armée pour écraser la révolte algérienne en utilisant tous les moyens à sa disposition, de Gaulle penche finalement pour l’autodétermination en tant que seule issue possible au conflit. Organisé le 5 juillet 1962, le référendum consacra l’indépendance de l’Algérie.

Ce que tout le monde appelait «l’armée des frontières», l’ALN avait un effectif variant entre 28 et
30 mille hommes dont 8 mille au Maroc et 22 mille en Tunisie.

Heureusement qu’elle était là pour maintenir l’ordre et la sécurité dans le pays lorsque l’Algérie a été abandonnée à son sort par les forces de l’ordre françaises, tout de suite après le référendum du 5 juillet 1962.

La trentaine de mes camarades, les jeunes officiers tunisiens âgés de près de vingt-deux à vingt-cinq ans et qui ont été, à leur sortie de St Cyr, directement affectés aux bataillons frontaliers reconnaissent que la guerre d’indépendance de l’Algérie nous a formés, nous a aguerris et nous a rendu d’énormes services.

En effet, en nous trouvant sur la rontière pour la sauvegarde de l’intégrité et de l’invulnérabilité de notre pays, en montant des embuscades, de jour comme de nuit, pour empêcher les harkis de poser des mines sur les pistes frontalières ou de s’approcher des camps de l’ALN à la recherche de renseignements, en interdisant aux forces françaises de pénétrer en territoire tunisien, pour l’observation ou à la poursuite d’éléments de l’ALN, nous avons, et malgré notre jeune âge, enrichi notre expérience et vite appris notre métier, celui de commander nos hommes, en situation opérationnelle, et de devenir, assez rapidement, des chefs.

Certains de mes camarades, les officiers tunisiens qui servaient dans les unités des frontières,
alors que j’étais avec les Casques Bleus de l’ONU au Katanga, ont été les témoins privilégiés de la
première visite effectuée par les cinq chefs historiques du FLN qui, libérés par la France suite
aux accords d’Evian du 18 mars 1962, ont effectué, le 18 avril 1962, une visite dans la région des frontières où se trouvaient et les réfugiés algériens et le gros des troupes de l’ALN.

Ils ont été accueillis à 18 km du Kef par les gouverneurs du Kef, de Jendouba et de Kasserine ainsi que
par les Commandants des 8e, 2e et 3e bataillons tunisiens. Les chefs historiques ont été reçus dans
une liesse indescriptible par la population du Kef et par les réfugiés algériens.

Monsieur Ben Bella et ses quatre compagnons (Houcine Aït Ahmed, Mohamed Khider, Mohamed Boudhiaf et Mustapha Lachraf) étaient naturellement accompagnés du Colonel Haouari Boumediène, le chef d’état-major général de l’ALN.

Après une pause au siège du gouvernorat du Kef, ils se sont rendus ainsi que leurs invités tunisiens au Centre d’instruction de l’ALN de Mellègue.

Reçus par le Commandant Sliman Hofman qui leur rendit les honneurs, ils assistèrent à un défilé d’unités de l’ALN suivi d’une démonstration de tir et d’un exercice de combat rapproché. Les leaders algériens se sont rendus ensuite à Thala et à Sakiet Sidi Youssef avant de rejoindre Ghardimaou, le Poste de commandement du Colonel Boumediène.

Depuis 2006, j’ai demandé avec insistance aux plus hautes autorités de l’Etat d’ériger, pour l’Histoire,
et dans les endroits où ont été implantées les plus importantes bases de l’ALN et à raison de deux ou trois dans chacun des gouvernorats de Jendouba, du Kef et de Kasserine, ces bases devenues historiques pour nos frères algériens comme pour nous, des stèles commémoratives de ces hauts lieux de résistance.

Chaque stèle, de forme pyramidale, porterait sur chacun des trois côtés une plaque en arabe, en
français et en anglais portant, par exemple, l’inscription très simple, suivante : «C’est dans cette zone que
séjourna une Unité de l’Armée de Libération Nationale Algérienne du………..
au 5 juillet 1962 où elle a trouvé toute l’aide et l’assistance du peuple et du gouvernement tunisiens ».

Je voudrais, en cette heureuse occasion, celle du 71e anniversaire de la guerre d’indépendance
de l’Algérie, saluer tous ceux que nous avons, mes camarades et moi, connus sur la frontière et avoir une
pieuse pensée pour tous ceux qui, parmi eux, nous ont quittés pour un monde meilleur.

Je citerais, entre autres, les Colonels Tahar Zebiri, Mohammedi Said, Yahiaoui, les Commandants Abderahmane Ben Salem, le Commandant et futur président Chedli Ben Jedid que nous connaissions sous le nom de Commandant Chaieb Rassou parce qu’il avait des cheveux blancs malgré son jeune âge et dont le bataillon était implanté à Ain Soltane, Kaied Ahmed, Salah Soufi, Hamma Loulou, Mohamed Zerguini, Abdelkader Chabbou, Bouthella, Ben Cherif, Abdelmoumen, nos camarades de promo Abdelmajid Lellahom, Bouzada, Khelil… et la liste est longue. De la guerre d’Algérie, de nombreux enseignements peuvent être tirés :
d’abord la volonté, ensuite la détermination et enfin le courage et le défi. Nos frères algériens, les jeunes
qui ont planifié et réussi cette insurrection et qui, pour certains, n’ont pas eu la chance d’en voir la fin,
ont éminemment entendu et retenu l’avertissement de l’immortel poète tunisien Aboulkacem Echabbi
qui a dit, 20 ans plus tôt, dans son célèbre poème «La volonté de vivre» : «Si quelqu’un ne souhaite pas
escalader les montagnes… alors il passera toute sa vie au fond des trous». En outre, pour apprécier la
détermination des chefs historiques, je rappellerai la boutade du jeune Mohamed Boudiaf qui, insatisfait de l’immobilisme du M.T.L.D, le parti du vieux Messali Hadj, et des querelles internes entre les
chefs de ce mouvement, lança, quelques semaines avant la date fatidique de novembre 1954, à MM.
Lahouel et Mhamed Yazid, deux grands militants de ce même parti : «Ecoutezmoi, vous deux, la révolution, elle se fera. Avec ou sans vous. Avec ou contre vous. C’est inéluctable. La machine est en marche,
rien ne pourra maintenant l’arrêter. La révolution se fera… même avec les singes de la Chiffa».
La Chiffa est une région montagneuse, non loin d’Alger, où il y a encore, à ce jour, des singes presque
domestiques. La guerre d’Algérie reste parmi celles qui confirment encore une fois, si besoin est, que rien, même pas les armées les plus puissantes et les mieux équipées, ne peut venir à bout de la volonté et de la
détermination d’un peuple qui se bat pour sa liberté; belle leçon à rappeler aux jeunes Tunisiens et à nos
frères Maghrébins. Je conclus ce modeste témoignage par l’hommage que méritent les milliers
de martyrs qui se sont sacrifiés pour que l’Algérie soit libre et indépendante. Comme épilogue, je ne
peux trouver mieux que cette phrase citée dans la proclamation du FLN du 1er
novembre 1954 : «La lutte sera longue mais l’issue est certaine».


B.B.K.

Ancien gouverneur de Sidi Bouzid et du Kef (1988-1993).

Ancien Commandant du secteur frontalier de Sakiet (1958-61),

Ancien Casque bleu de l’ONU (Congo et Katanga1961-63 ),

Ancien Commandant des Unités Sahariennes (1976- 80),

Ancien attaché Militaire à Rabat (1980-83),

Ancien sous-chef d’état major de l’Armée de Terre (1983-86)

Auteur

le Colonel Boubaker BENKRAIEM