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De l’aubaine à la malédiction : la Tunisie face au défi de sa récolte record

  • 19 décembre 19:28
  • 3 min de lecture
De l’aubaine à la malédiction : la Tunisie face au défi de sa récolte record

 

Le pays s’apprête à réaliser une production historique de 500 000 tonnes d’huile d’olive cette saison, portée par des conditions météorologiques favorables. Sur le marché international, la demande dépasse l’offre d’au moins 10%, plaçant le pays en position théoriquement avantageuse. Pourtant, cette performance se heurte à un effondrement des prix qui suscite la colère des agriculteurs.

Intervenant sur les ondes de RTCI, le 19 décembre 2025, Faouzi Zayani, expert en politique agricole et président de l’association Tunisie Oléiculture, alerte sur une situation paradoxale où ce secteur stratégique risque de devenir une menace pour la paix sociale. Les cours internationaux se négocient au-dessus de 4,40 euros le kilo, soit l’équivalent de 15 dinars, mais les importateurs étrangers proposent aux exportateurs tunisiens des prix oscillant entre 3 et 3,50 euros le kilo. Ces tarifs ne couvrent même pas le prix de revient, alors que les producteurs dépensent entre 3 500 et 4 000 dinars pour obtenir une tonne d’huile d’olive.

L’expert pointe du doigt l’absence de vision et de stratégie des pouvoirs publics dans la gestion du processus de production, de stockage et de commercialisation. La prime de stockage proposée par l’Office National de l’Huile, fixée entre 100 et 110 dinars par tonne, est jugée largement insuffisante. Faouzi Zayani estime qu’elle devrait atteindre au moins 500 dinars la tonne, être versée à l’avance et prolongée de six mois au lieu de trois.

Le président de Tunisie Oléiculture souligne que le pays dispose d’une capacité de stockage privée dépassant 300 000 tonnes, tandis que l’ONH peut stocker 90 000 tonnes. Il préconise que l’État acquière l’équivalent de 100 000 tonnes d’huile d’olive à des prix proches des marchés internationaux pour créer un effet psychologique et rééquilibrer le rapport de force avec les acheteurs étrangers.

La question de la valorisation demeure centrale. Actuellement, 85% de l’huile tunisienne est exportée en vrac, sans marque, pour être souvent réétiquetée ailleurs. Cette situation relègue le pays à un rôle de sous-traitant, entraînant une perte de valeur ajoutée et d’identité du produit. Faouzi Zayani plaide pour une politique commerciale favorisant l’export de produits conditionnés, notamment l’huile d’olive biologique.

À moyen et long terme, l’expert recommande la création d’une agence nationale de l’exportation regroupant toutes les instances liées à l’export, des médias spécialisés aux différents ministères concernés. Il met en garde contre le risque de voir les producteurs déserter la profession face à des crises répétées, d’autant que d’autres pays développent leur propre culture oléicole.

Auteur

S. M.