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Marché des eaux minérales embouteillées: Un plan national global pour une régulation plus stricte

  • 3 novembre 18:30
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Marché des eaux minérales embouteillées: Un plan national global pour une régulation plus stricte

En Tunisie, la consommation d’eau en bouteille a connu une progression spectaculaire au fil des années. Le marché national des eaux minérales embouteillées ne cesse de se développer, dynamisé par une production en forte croissance et la multiplication des marques. Devenue omniprésente — sur les tables, dans les voitures, les bureaux ou les foyers —, la bouteille d’eau fait désormais partie intégrante du quotidien des Tunisiens. Depuis que le plastique a remplacé le verre, elle est plus accessible que jamais, toujours à portée de main. Nombreux sont ceux qui ont d’ailleurs tourné définitivement le dos à l’eau du robinet pour ne consommer que de l’eau embouteillée.

La Presse — La Tunisie possède un riche potentiel en eaux thermo-minérales, réputées pour leurs vertus thérapeutiques. Ce patrimoine naturel est exploité à travers des stations thermales, des hammams, des unités d’embouteillage, contribuant ainsi à la valorisation économique de ces eaux. Le secteur des eaux conditionnées en Tunisie est en pleine expansion, porté par une forte demande intérieure, l’extension des unités de conditionnement et un marché en expansion lucratif pour les investisseurs.

Ceci est attesté par les chiffres clés du marché. En effet, en 2024, la production d’eau embouteillée a atteint environ 1.688 millions de bouteilles, enregistrant une hausse de 3,7 % par rapport à l’année précédente. En termes de volume, cette production correspond à environ 2.700 millions de litres d’eau. Cette production est assurée par 31 unités d’embouteillage réparties dans 13 gouvernorats, dont 29 opérationnelles en 2024, produisant jusqu’à 500.000 bouteilles par heure. Le secteur offre près de 5.000 emplois directs et 15.000 emplois indirects générés.

Par ailleurs, 4 nouvelles unités d’embouteillage sont en cours de mise en place depuis l’année 2024, dont deux à Kasserine, une à Zaghouan et une à Ben Arous. La production annuelle attendue de ces unités est estimée à 404 millions de litres d’eau. Près de 65 % de ces eaux ont un faciès bicarboné calcique, ce qui en fait des eaux bénéfiques pour la digestion, pouvant être données aux enfants en bas âge. Cependant cette qualité reste à surveiller face aux sécheresses récurrentes qui peuvent déstabiliser leur composition physico-chimique.

Pressions sur la ressource

Dans le cadre de la deuxième phase du projet « Biodev 2030 », financé par l’AFD, coordonné par «Expertise France » et mis en œuvre par l’Uicn et le WWF dans 15 pays, dont la Tunisie, une analyse des politiques publiques sectorielles tunisiennes et des pressions sur la biodiversité pour les secteurs de l’industrie agroalimentaire et de l’agriculture a été réalisée en 2024. 

Elle met en évidence la pression exercée sur les nappes phréatiques. Le constat montre que les eaux embouteillées puisent dans des aquifères souvent inégalement répartis (Zaghouan, Kairouan, Sidi Bouzid, Le Kef). Ainsi, « si, en termes de prélèvement sur la ressource, l’exploitation serait limitée à seulement 0,19 % des réserves nationales d’eau, selon l’Office national du thermalisme, ce qui écarterait les préoccupations environnementales concernant l’épuisement des ressources hydriques, à l’échelle locale, cette affirmation peut être remise en question, les risques de surexploitation, de baisse de qualité de l’eau existent (changement dans la composition physicochimique) », indique-t-on dans le dernier rapport national sur le secteur de l’eau en Tunisie. La même source signale des concentrations d’exploitation comme dans la région de Jelma (Sidi Bouzid), qui abrite trois unités d’embouteillage d’eau qui ne sont distantes que de quelques kilomètres les unes des autres. De même, l’impact plastique est assez élevé : près de 1,8 milliard de bouteilles plastiques produites en 2022, une pression importante sur les déchets plastiques, souvent insuffisamment recyclés et susceptibles de dégrader les écosystèmes.

Quelles orientations pour les années à venir ?

Le marché des eaux conditionnées est en expansion, avec une croissance projetée de 1,2 à 1,5 milliard USD en 2023 à près de 2,6 à 3,1 milliards USD d’ici 2029, soit un taux annuel de plus de 13 à 14 %. 

Dans une démarche prospective visant à assurer la durabilité de cette ressource vitale, l’Onth prépare un plan directeur national global pour encadrer l’exploitation des eaux minérales, s’étendant jusqu’à l’horizon 2050. Ce plan vise à établir une gouvernance intelligente et durable des ressources, via la surveillance stricte de l’exploitation des nappes, la mise en place d’une traçabilité des eaux embouteillées, l’évaluation de l’empreinte hydrique et carbone des unités d’embouteillage et la programmation d’actions concrètes pour les réduire. Il s’agit également de renforcer les mécanismes de contrôle au sein des ministères. Des mesures pour soutenir l’investissement dans le secteur sont également envisagées, avec un allègement des procédures pour stimuler l’innovation et la compétitivité du secteur, une adaptation du cadre juridique pour autoriser, à titre dérogatoire, l’exploitation de nouvelles ressources en eau au-delà des nappes profondes. 

Les efforts à engager devraient inclure également une régulation plus stricte de ce secteur, pour encadrer la croissance des investissements dans une perspective de durabilité des ressources. Des mesures doivent être prises aussi pour réduire l’embouteillage plastique (matériaux alternatifs, verre, plastiques recyclés).

Auteur

Najoua Hizaoui